Réouverture de la Chine : quelles implications pour l'économie et les expats ?

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  • Nanjing Road, Shanghai
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Écrit par Ameerah Arjanee le 20 janvier, 2023
Le 8 janvier, la Chine a finalement procédé à la réouverture de ses frontières qui avaient été fermées trois ans durant. La plupart des voyageurs peuvent désormais entrer dans le pays avec un test PCR négatif. De nombreux expatriés en Chine sont soulagés et souhaitent continuer à profiter de la vie qu'ils aimaient dans le pays. Cependant, certains de ceux qui se sont retrouvés bloqués hors de Chine depuis mars 2020 hésitent à y retourner, et des doutes subsistent quant aux perspectives économiques des expatriés dans le pays.

Le revirement soudain de la Chine

En décembre 2022, le gouvernement chinois a subitement revu sa politique de lutte contre la pandémie. Il a annoncé la suppression de la quasi-totalité des restrictions des trois dernières années le 8 janvier. En effet, les voyageurs entrants n'ont plus besoin de se soumettre à une quarantaine, même pas chez eux. Il leur suffit de présenter un test PCR négatif effectué 48 heures avant leur vol.

Les expatriés titulaires d'un permis de séjour pour le travail et le regroupement familial peuvent entrer dans le pays depuis septembre 2020, mais ils devaient tout de même se soumettre à une mise en quarantaine. Bien que les services d'immigration chinois n'aient pas encore commencé à délivrer de nouveaux visas touristiques, les citoyens des pays ayant conclu un accord d'exemption de visa sont désormais autorisés à entrer en Chine. A titre d'exemple, les citoyens de 53 pays (dont l'Allemagne, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et Singapour) peuvent bénéficier d'un transit sans visa de 144 heures dans certaines parties de la Chine alors qu'ils sont en route vers une autre destination. L'agence de voyages China Highlights estime que tous les visas touristiques et les visas de 10 ans (ce dernier n'est accessible qu'aux citoyens canadiens) seront à nouveau délivrés d'ici le deuxième trimestre de 2023.

Reuters rapporte que, le 8 janvier même, des milliers de personnes sont entrées en Chine depuis Hong Kong. Les comptoirs d'enregistrement de l'aéroport international de Hong Kong étaient bondés de nombreux résidents de cette région administrative spéciale, heureux de pouvoir revoir leur famille en Chine continentale. Le South China Morning Post rapporte qu'il y a désormais 500 000 passages de frontière quotidiens entre Hong Kong et la Chine.

Malheureusement, certaines tensions diplomatiques rendent l'ouverture totale des frontières plus compliquée. Lorsque le Japon et la Corée du Sud ont décidé d'imposer des restrictions d'entrée aux voyageurs en provenance de Chine (par exemple, tests Covid négatifs uniquement pour les voyageurs chinois, limitation du nombre de vols) en raison de la recrudescence des cas de Covid-19 dans le pays, Pékin a riposté en suspendant tous les visas de courte durée pour les Japonais et les Coréens, y compris pour les traitements médicaux.

Ce brusque revirement de politique a en effet provoqué un pic des cas de Covid-19 en Chine. La société britannique Airfinity, spécialisée dans la modélisation des données sanitaires, estime qu'il y a désormais un million de nouveaux cas par jour après la levée soudaine, et non plus progressive, des mesures de distanciation sociale. Le Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies a avancé fin décembre, avant même l'ouverture complète de la frontière, que près de 20 % de la population était infectée.

Entre soulagement des expatriés en Chine eu l'hésitation de ceux qui ont été bloqués à l'étranger

Les expatriés qui se sont installés en Chine depuis plusieurs années poussent un soupir de soulagement. Ils souhaitent désormais reprendre le mode de vie qui les avait attirés vers ce pays, même s'ils savent que les choses ne seront pas tout à fait comme avant. De nombreux expatriés français avaient d'ailleurs choisi, ou étaient obligés par divers facteurs, de demeurer en Chine tout au long de trois années de confinement intermittent et strict.

Pour Jeanne, une enseignante d'une trentaine d'années, ces dernières années ont été surréalistes et pleines d'appréhensions. Elle raconte qu'elle a toujours apporté un sac contenant des pyjamas sur le campus où elle travaille au cas où un cas positif serait découvert et que les autorités imposeraient à tous de quitter l'établissement. Elle n'est pas rentrée en France pour fêter Noël avec sa famille, histoire d'éviter la quarantaine obligatoire à son retour. Tout ceci lui a donné envie de quitter la Chine. Elle a d'ailleurs déjà postulé à d'autres emplois au Royaume-Uni et en Australie. Jean n'attend qu'une occasion de partir. Elle craint que d'autres pays n'imposent des interdictions de voyager en Chine qui saboteront ses projets de départ.

Thibault, informaticien d'une vingtaine d'années, souhaite, lui, rester en Chine même s'il a connu le même stress que Jeanne. En fait, lors d'un voyage en Europe à l'été 2022, il a longuement hésité à revenir en Chine. Mais il a fini par y retourner. Lorsque le gouvernement a annoncé la levée des restrictions, il était tellement excité qu'il est allé faire la fête avec des amis et se promener dans Shanghai, alors que les rues étaient encore relativement vides comme de nombreux habitants étaient positifs à la Covid-19. Même s'il a trouvé les rues vides déprimantes et qu'il sait que de nombreux expatriés sont partis l'année dernière, il compte tout de même rester « pour retrouver tout ce que nous aimons dans la vie en Chine » et contribuer à la reprise économique du pays.

D'autres expatriés ont été contraints de vivre dans un autre pays pendant ces trois années. Comme ils se trouvaient à l'étranger au moment de la fermeture des frontières chinoises en mars 2020, ils n'ont pas pu renouveler leur visa au cours de la période 2020-2022, ou ils ont dû rentrer chez eux en raison de problèmes familiaux ou de santé urgents.

Dans le magazine Sixth Tone, Alex Shoer, un Américain qui vivait auparavant à Shanghai, explique pourquoi il est peu probable qu'il retourne en Chine. Il a vécu à Shanghai pendant une décennie et y avait même créé sa propre entreprise. Il était en voyage à l'étranger en mars 2020 lorsqu'il a décidé de retourner temporairement aux États-Unis jusqu'à ce qu'il puisse entrer à nouveau en Chine. Mais ce projet n'a cessé d'être repoussé et, entre-temps, il s'est engagé dans une relation sérieuse aux États-Unis. Bien qu'il travaille toujours à distance pour sa société basée à Shanghai, il dit qu'il est peu probable qu'il abandonne la vie qu'il a construite pendant ces trois années aux États-Unis. Il pense également que l'âge d'or des expatriés en Chine est terminé, car ces derniers sont désormais concurrencés par les locaux sur un « marché plus mûr ».

Les expatriés ou même les citoyens restés bloqués à l'étranger ne prévoient peut-être pas de rentrer de sitôt en raison de la rareté et de la cherté des vols. S'exprimant dans Le Figaro, Zoé confie qu'elle craint que le vol coûteux qu'elle réservera pour rentrer en Chine soit annulé si un cas positif est détecté dans l'un des avions de la compagnie aérienne. Shan, un citoyen chinois vivant en France, affirme qu'un voyage aller-retour entre la France et la Chine coûte actuellement la somme astronomique de 2 000 à 3 000 euros. D'autres attendent la fin du pic actuel de Covid en Chine. Chloé sait déjà qu'elle ne rentrera pas dans l'immédiat, car elle a peur de ne pas obtenir de place dans les hôpitaux débordés au cas où elle serait infectée.

Les perspectives économiques des expatriés en Chine restent incertaines

Les craintes de certains expatriés concernant l'économie ne sont pas infondées. En effet, comme le rapporte le New York Times, l'économie chinoise n'a progressé que de 2,9 % en 2022, soit moins de la moitié de la croissance de 8,1 % de 2021. La situation économique n'a pas été aussi mauvaise depuis 1976 - année marquée par la disparition de Mao Zedong. La croissance économique de la Chine ralentissait déjà depuis les années 2010, passant d'une croissance annuelle d'environ 10 % à environ 6 et 8 %, mais elle n'avait jamais été aussi mauvaise que 3 % avant le coup dur de la pandémie.

Les expatriés souffrent d'un double coup, car non seulement l'état général de l'économie est mauvais en ce moment, mais les entreprises ont également commencé à prioriser le recrutement de locaux ces trois dernières années. L'État a également sévi dans les secteurs où travaillent de nombreux expatriés, notamment l'éducation et la technologie, et les réformes de l'immigration sont au point mort.

Fin 2021, le gouvernement chinois a interdit les cours particuliers afin de réduire le stress scolaire des enfants. Auparavant, les cours d'anglais ou d'autres langues étrangères étaient un moyen relativement facile pour les expatriés d'obtenir un permis de travail et de séjour en Chine. Dans Sixth Tone, Sid, un ancien expatrié russe, raconte comment il a perdu son emploi de professeur d'anglais en 2021. Lorsqu'il a essayé de renouveler son visa de travail pour d'autres emplois, sa demande a été rejetée et il a été contraint de rentrer dans son pays.

Alors que la Chine était sur la voie de l'assouplissement de ses lois sur l'immigration avant la pandémie, elle a fait marche arrière depuis 2020. En 2018, l'Administration nationale de l'immigration avait été créée, et en février 2020, un mois seulement avant que le Covid-19 ne devienne officiellement une pandémie, elle avait revu ses règles pour rendre davantage d'étrangers éligibles aux permis de travail, à la résidence permanente et aux avantages sociaux. Ces nouveaux projets de règles ont été suspendus indéfiniment après le début de la pandémie.

Les lois sur l'immigration ne sont pas le seul obstacle. Pendant ces trois années où les étrangers pouvaient à peine entrer dans le pays, les entreprises basées en Chine, y compris les multinationales, ont pris l'habitude d'embaucher des talents locaux. Les talents expatriés, même pour les postes de direction et les postes hautement techniques, ne sont plus autant valorisés.

Dans un autre article de Sixth Tone sur la localisation de la main-d'œuvre chinoise, des experts expliquent comment les entreprises ont été contraintes de recycler les travailleurs locaux et d'adapter leurs opérations en l'absence de personnel étranger. Le responsable d'une plateforme d'emploi pour expatriés, Majdi Alhmah, mentionne que les cadres du centre automobile de Changchun, dans le nord-est du pays, sont désormais, principalement des locaux.

Même les documents de bureau et la langue ont eu tendance à devenir monolingues chinois (plutôt que bilingue : chinois et anglais) ces trois dernières années. Ainsi, même si les expatriés sont désormais en mesure de rentrer en Chine, ils auront affaire en 2023 à un marché du travail très différent de celui auquel ils étaient habitués auparavant.

A propos de Ameerah Arjanee

Ameerah est chargée de cours et tutrice privée enseignant l'espagnol et le mandarin à l'île Maurice. Elle a aussi été traductrice indépendante, éditrice et rédactrice de contenu pendant une décennie. Elle a vécu à Madrid et à Pékin.