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Singapour : nouvelles mesures pour aider les entreprises à recruter à l'international

entreprises à Singapour
Alexlky / Shutterstock.com
Écrit parAsaël Häzaqle 25 Janvier 2023

L'économie de Singapour, de par ses fortes interconnexions avec les autres économies du monde, est considérée comme un baromètre de la conjoncture. Or, l'inquiétude grandit pour 2023, alors que la Banque mondiale annonce une possible récession. Le gouvernement singapourien se lance dans une nouvelle opération pour soutenir sa croissance économique, grâce, notamment, aux talents étrangers. Décryptage.

Une nouvelle mesure pour attirer les travailleurs étrangers

Singapour recherche des talents internationaux. Pour les trouver et les attirer, le gouvernement lance le mois dernier un nouveau programme : le Manpower for Strategic Economic Priorities (M-SEP). Ce programme permettra aux entreprises éligibles de recruter des professionnels étrangers possédant un visa S ou un permis de travail sans se préoccuper des quotas en vigueur. En effet, les entreprises respectent traditionnellement des quotas de travailleurs étrangers, en fonction de leur visa. Le M-SEP permet de dépasser ces quotas pour dynamiser l'activité économique et attirer davantage de professionnels étrangers qualifiés.

Pour rappel, il existe deux principaux visas pour les travailleurs étrangers à Singapour : le S Pass et le Work Permit for foreign worker (permis de travail pour travailler étranger). Le S Pass concerne les candidats qualifiés gagnant en moyenne entre 2300 et 3000 dollars singapouriens par mois (entre 1747 et 2278  dollars US par mois). Le niveau de salaire fluctue notamment en fonction de l'âge et du secteur dans lequel évolue le salarié. Un jeune employé étranger dans le secteur de la finance peut s'attendre à gagner plus de 3500 dollars singapouriens (2658 dollars US). Le permis de travail concerne les étrangers semi-qualifiés travaillant dans la construction, la marine, la fabrication ou les services.

Fonctionnement du M-SEP : flexibilité et souplesse

En pratique, le M-SEP autorise les entreprises adhérentes à augmenter leur nombre de salariés embauchés au titre du S Pass et/ou du permis de travail. Les entreprises pourront augmenter leur nombre de salariés sous S Pass et permis de travail jusqu'à 5 % de leur effectif de base. Jusqu'alors, le quota était de 10 % pour une entreprise de services, et 15 % pour une entreprise de la construction, des chantiers navals ou de la fabrication. Le M-SEP permet donc plus de flexibilité, pour davantage de souplesse et une meilleure réactivité à la conjoncture. C'est, du moins, l'ambition du programme gouvernemental. 

Pour adhérer au M-SEP, les entreprises doivent remplir deux conditions : embaucher ou former également des travailleurs locaux, et soutenir les priorités économiques stratégiques. Singapour a mis en place plusieurs agences de soutien aux priorités économiques stratégiques, comme le Conseil de développement économique, l'Office du tourisme de Singapour, ou Entreprise Singapore. Les entreprises qui souhaitent bénéficier des avantages du M-SEP doivent faire partie d'au moins une agence. Concernant l'emploi des locaux, les entreprises doivent garantir qu'elles maintiendront une part de main-d'œuvre locale. Les entreprises qui adhéreront au M-SEP pourront bénéficier des nouvelles modalités d'embauche durant 2 ans.

Travailleurs étrangers : Singapour change sa politique

Une enquête menée en début 2022 révèle que 70 % des Singapouriens seraient favorables à une immigration plus stricte. Dans la cité-État star de la finance, le sentiment anti étranger a fortement progressé depuis la Covid. Mais le gouvernement veut y mettre fin, et attirer de nouveau les étrangers, surtout les talents internationaux.

Crise sanitaire et montée du nationalisme

L'État cherche-t-il à endiguer le sentiment anti étranger, en hausse depuis la crise sanitaire ? La pandémie a en effet exacerbé la grogne d'une partie de la population singapourienne contre des étrangers qu'ils jugeaient responsables de la hausse des prix de l'immobilier et du manque d'emploi. En 2020, Ong Ye Kung, ministre des Transports (aujourd'hui ministre de la Santé), fustige l'écart entre les salaires des Singapouriens et des étrangers travaillant dans la finance. Les Singapouriens gagnaient en moyenne 6000 à 8000 dollars singapouriens (4550 à 6060 dollars US) alors que les étrangers en gagnaient 8000 à 10 000 (6060 à 7580 dollars US).

Si la presse internationale a salué, durant les premières semaines, la gestion de la crise sanitaire opérée à Singapour, les critiques n'ont pas tardé à fuser. Les campagnes de vaccination patinent, forçant le gouvernement à instaurer des confinements stricts et de fortes restrictions aux voyages. Victimes, comme les locaux, de la pandémie, les expatriés sont pourtant accusés de ne pas respecter les règles sanitaires.

En parallèle, le gouvernement durcit les conditions d'obtention des visas. En septembre 2020, Gan Siow Huang, alors ministre d'État chargée des ressources humaines (aujourd'hui ministre d'État de l'Éducation et du Travail), invite ouvertement les entreprises à favoriser les candidatures des Singapouriens ; en cas de licenciements, ils étaient au contraire invités à viser en priorité les étrangers. Ces derniers disent se sentir de plus en plus mal à l'aise dans un État qui se voulait pourtant tourné vers l'international. Certains étrangers préfèrent quitter le pays. En un an, le nombre de visas attribué aux professionnels qualifiés baisse de 10 %. 

Talents étrangers et croissance économique

Septembre 2022. Singapour revoit sa politique de visas pour renouer avec les recrutements internationaux. Mais pas n'importe lesquels. La cité-État vise les cols blancs, les professionnels qualifiés et très qualifiés. Si leur salaire mensuel dépasse environ 22 800 dollars US, ils pourront prétendre à un visa de 5 ans et en faire profiter leur famille.

Singapour a tenu bon en 2022, avec 3,8 % de croissance. C'est plus que les estimations (3,5%). Cela reste bien inférieur à la croissance de 2021 (7,6%). L'inflation mondiale et la hausse des taux d'intérêt freinent l'expansion de Singapour. On annonce des exportations en chute libre pour cette année, voire, une possible récession. Le secteur manufacturier souffre, plombé par la baisse des exportations de puces informatiques.

Raison de plus, pour le gouvernement, pour investir dans ses talents et relancer le recrutement des étrangers. Le ministre du Travail Tan See Leng déclare : « Dans un petit pays sans ressources énergétiques, notre seule richesse, ce sont les talents. Nous lançons donc une offensive dans ce domaine, pour faire comprendre aux entreprises et aux investisseurs que Singapour est de nouveau ouverte. » Le programme M-SEP va dans le même sens.

Cela suffira-t-il à faire revenir les talents étrangers ? Des expatriés ayant quitté Singapour pour les Émirats arabes unis, la Thaïlande ou l'Australie n'envisagent pas du tout de revenir. Les dérives nationalistes sont encore, selon eux, trop présentes. Reste à savoir si le nouveau programme du gouvernement fera revenir les talents. Les plus riches, eux, ont toujours été les bienvenus et continueront à le rester.

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A propos de

Titulaire d'un Master II en Droit - Sciences politiques ainsi que du diplôme de réussite au Japanese Language Proficiency Test (JLPT) N2, j'ai été chargée de communication. J'ai plus de 10 ans d'expérience en tant que rédactrice web.

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