Regard d'un journaliste français sur l'Allemagne

Bonjour Sébastien, peux-tu te présenter brièvement et nous parler de ton parcours ?

Je suis Français, vivant en Allemagne depuis 6 ans. J'ai grandi dans un petit village près d'Orléans alors que dans l'âme je suis plutôt très citadin. Sur le plan professionnel, j'ai fait un peu de tout. J'ai travaillé comme caissier, serveur, projectionniste, homme de ménage. Par la suite, j'ai repris des études sur le tard pour devenir journaliste.

Pourquoi as-tu choisi de t'expatrier en Allemagne ?

Je n'avais plus de travail en France. En 2009, je travaillais dans un journal régional à Châteauroux. C'était la période où la crise post-subprimes se faisait sentir très fort. Beaucoup d'entreprises craignaient pour leur survie et le journal perdait lui aussi beaucoup d'argent. Il a laissé partir tous les jeunes en CDD et même ouvert un guichet de départs volontaires. Comme j'avais quelques économies, j'ai décidé de tenter ma chance comme pigiste en Allemagne, d'abord à Cologne. C'était début 2010.

Comment s'est passée ton installation ?

J'avais plusieurs amis dans la région de Cologne et donc mon arrivée a été assez simple. Une amie m'a hébergé quelques jours et j'ai rapidement trouvé un logement. Comme j'avais fait un semestre en Erasmus trois ans avant, je parlais déjà bien allemand. Ce n'était pas un obstacle. Après Cologne, j'ai déménagé à Bonn où j'avais trouvé un travail. Au final, fin, 2013 je suis venu m'installer à Hambourg pour des raisons personnelles.

Quelles sont les procédures à suivre pour qu'un citoyen français s'expatrie en Allemagne ?

À vrai dire, c'est simple. En Allemagne, il y a ce qu'on appelle l' « Anmeldung » (l'inscription) : quand on emménage quelque part, il faut aller à la mairie pour le signaler. En dehors de cela, il a fallu que je me choisisse une caisse de sécurité sociale, une banque… En ce qui concerne l'impôt sur le revenu, c'est prélevé à la source dans la plupart des cas. La déclaration d'impôts est même facultative.

As-tu éprouvé des difficultés à franchir ces étapes ?

Non. J'avais l'avantage d'avoir déjà des contacts qui avaient déjà connu tout cela. Ils ont pu me renseigner. Ce n'était pas beaucoup plus compliqué qu'un déménagement « normal ».

As-tu eu des difficultés d'adaptation à ton nouvel environnement ?

Non, même en cherchant, je ne vois pas. Ah, si ! Pendant un temps, j'ai cru que les Allemands manquaient d'humour ! On pourrait débattre un moment du second degré, de l'ironie et de ce qui se fait ou pas en Allemagne. Mais en gros, j'ai fini par comprendre que, bien sûr, l'humour est aussi très important en Allemagne. Mais au départ, je ne comprenais pas toujours les nuances à cause de mon niveau d'allemand.

Qu'est-ce qui t'as le plus surpris à ton arrivée en Allemagne ?

Les trains en retard, j'imagine. J'arrivais avec le cliché de la ponctualité allemande en tête et je n'ai pas été déçu. Et puis, le fait que la voiture est omniprésente. La voiture est reine dans les villes comme Cologne ou Hambourg. Il y a très peu de zones piétonnes.

As-tu eu des difficultés à rechercher un logement ? Est-il difficile pour un expatrié de trouver un logement en Allemagne ?

Oui et non. Cela dépend vraiment des quartiers et des périodes. À Bonn, j'ai trouvé mon premier studio en quelques jours. Quand j'ai voulu changer pour plus grand – de l'ordre de 50 mètres carrés si je me souviens bien – cela a été plus compliqué. À Hambourg, en général, il peut être assez difficile de trouver un logement. Comme partout, les revenus jouent dans le choix des locataires et avec un CDI c'est plus simple qu'en étant freelance.

Quelle est la culture du travail en Allemagne ? Est-il facile pour un expatrié d'y être embauché ?

L'entreprise où j'ai travaillé à Bonn, pendant un peu plus de trois ans, était très internationale. Il y avait aussi des Français. Mais la langue commune avec les autres départements était l'allemand. Donc c'était un modèle un peu mixte, avec des habitudes françaises et d'autres allemandes, sans oublier les influences d'autres cultures.

L'on entend souvent dire que les Allemands sont très directs dans leur manière de communiquer au travail. C'est vrai, mais je trouve cela assez agréable.

Quant aux chances de se faire embaucher, cela dépend de nombreux facteurs, mais la maîtrise de l'allemand est souvent un « Muss » (une obligation).

Que penses-tu du mode de vie des Allemands ?

Il est difficile de parler d'un mode de vie qui s'appliquerait à tout le monde. Je connais surtout les grandes villes de l'Ouest et du Nord. Si vous demandez aux Hambourgeois, ils vous diront que les Colonais sont très différents d'eux, et c'est réciproque. Moi je ne vois pas forcément ces différences.

En tant que Français, on est plutôt bien vu. Alors on est un peu l'étranger privilégié. Cela aide parfois dans les démarches administratives ou lors des contacts téléphoniques. Les gens aiment bien l'accent français, c'est très net à Hambourg.

Je trouve la société allemande ouverte, multiculturelle... Mais là encore, c'est surtout vrai dans les grandes villes.

Une idée reçue de l'Allemagne qui s'est avérée fausse ?

On voit tout de même peu de gens portant chaussettes et Birkenstock. Mais il y a une véritable passion allemande pour les habits fonctionnels.

A quoi ressemble ton quotidien en tant qu'expatrié à Hambourg ?

Ma vie ne ressemble pas vraiment à celle d'un expatrié. Je fréquente assez peu les Français de Hambourg, même si j'en ai rencontré quelques-uns récemment. En fait, je suis à l'étranger sans vraiment en avoir le ressenti.

Quels sont les types de loisirs disponibles sur place pour les expatriés ?

Si l'on maîtrise la langue, à priori, il n'y a rien d'inaccessible. L'avantage d'être dans une grande ville, c'est qu'il y a une grande offre culturelle. Il y a des musées réputés, de grands artistes qui passent en concert. Mais bon, en ce moment je fréquente surtout les bacs à sable, balançoires et toboggans.

Que penses-tu de la cuisine allemande ? Quelles sont tes spécialités culinaires locales préférées ?

A Hambourg, le sandwich au poisson est un incontournable de la cuisine locale. Sinon, je mange volontiers des Spätzle, une spécialité du Sud. Mais au quotidien, je mange rarement allemand.

Qu'est-ce qui te plaît le plus en Allemagne ?

Je trouve que l'Allemagne est une démocratie plus adulte, plus achevée que la France, même si aujourd'hui certains affirment vivre dans une dictature « Merkelienne ». Du fait du fédéralisme, les lieux de décision sont plus proches des gens. Tout n'est pas à Berlin. Par ailleurs, je remarque qu'il existe peu d'incivilités. J'aime beaucoup Hambourg, l'Elbe, les grues du port, les entrepôts.

Qu'est-ce qui te manque le plus par rapport à la France ?

Ce n'est pas souvent, mais de temps en temps, peut-être, la simplicité de connaître les codes, à savoir faire du « small talk », à pouvoir s'exprimer dans sa langue. Et la culture des cafés aussi ! Les Allemands ont une culture vraiment différente. J'aime les terrasses des cafés de Tours, de Bordeaux et de Paris.

Quel est ton avis sur le coût de la vie à Hambourg et en Allemagne en général ?

Beaucoup de choses sont moins chères en Allemagne, notamment les produits alimentaires, les restaurants. Les forfaits téléphoniques, par contre, sont plus coûteux. Hambourg est une ville assez chère : le prix des loyers augmente très vite, pas autant qu'à Paris pour l'instant, mais l'écart se réduit.

Un événement particulier que tu as vécu en Allemagne et que tu voudrais partager ?

Ma première fois à Berlin, à Checkpoint Charlie. J'ai pris cela un peu en pleine gueule. En 1989, j'étais un peu petit pour comprendre ce que ça voulait dire de vivre derrière le Mur, en Allemagne de l'Est ou ailleurs. La force de cet événement, la chute du Mur, m'a rattrapé ce jour-là.

Qu'est-ce qui t'as motivé à écrire ton blog « Y a pas que Derrick » ?

Les blogs et moi, nous avons une longue histoire. Globalement, cela me démangeait depuis un moment de raconter des choses sur l'Allemagne qui ne seraient pas des clichés mais plutôt des choses du quotidien, des observations sur les médias, ici ou en France, et sur ce que l'Allemagne et la France pensent comprendre l'une de l'autre.

Des conseils à donner aux personnes qui souhaiteraient s'expatrier en Allemagne ?

Venez ! Même si ce n'est pas pour une expatriation, il y a plein de choses à voir en Allemagne : Dresde, Berlin, Lübeck, les îles de la mer du Nord, les petites villes et les châteaux sur le Rhin. J'aime beaucoup aussi tout ce qui touche au patrimoine industriel, notamment dans la Ruhr. Et puis, quand vous aurez trouvé un coin sympa, comme je le disais, ce n'est pas compliqué de s'installer. Parler allemand est tout de même important, surtout sur le plan administratif et si vous venez travailler. Si vous venez en vacances, l'anglais devrait suffire.

Quels sont tes projets d'avenir ?

A priori, rester à Hambourg. Sur le plan professionnel, j'ai des projets de reportages et de documentaires. J'aimerai continuer à voyager un peu. Je vais souvent en Afrique pour y donner des formations en journalisme. C'est ma deuxième ou troisième casquette et c'est un job que j'aime beaucoup.

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