Royaume-Uni : la perception positive de l'immigration contraste avec les politiques gouvernementales

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Écrit par Ameerah Arjanee le 22 mars, 2023
Comme le rapporte le quotidien britannique The Guardian, une étude récente de la World Values Survey révèle que, parmi 24 pays, la population britannique a la vision la plus positive de l'immigration. 71 % des Britanniques ne pensent pas que les locaux devraient être prioritaires par rapport aux expatriés sur le marché du travail. Dans le même temps, une partie du gouvernement britannique souhaite restreindre l'immigration, une position qui est en porte-à-faux de l'opinion publique.

La population britannique est plus favorable à l'immigration qu'il y a 10 ans 

La World Values Survey (WVS) est un groupe d'étude longitudinale fondé par un consortium international de chercheurs en sciences sociales dans les années 1980. Son objectif est d'étudier l'évolution des valeurs et des croyances de la société au fil du temps. En 2009, le groupe a réalisé une étude sur la perception de l'immigration dans 24 pays. En 2022, il a répété la même étude afin d'obtenir un aperçu comparatif : le sentiment du public à l'égard de l'immigration a-t-il évolué au cours de la décennie écoulée ?  

Cinq pays affichent une augmentation de l'acceptation de l'immigration par le public : l'Allemagne, le Brésil, l'Espagne, le Mexique et le Royaume-Uni. Parmi ces cinq pays, c'est le Royaume-Uni qui a connu la plus forte hausse. En 2009, 65 % des Britanniques interrogés estimaient que le gouvernement et les entreprises devraient se concentrer davantage sur l'embauche de travailleurs locaux que sur l'immigration économique. Comme l'indique The Guardian, cela s'inscrivait dans un contexte de chômage endémique. En 2023, la situation est tout à fait inverse : seuls 29 % des Britanniques croient en la nationalisation de la main-d'œuvre. Actuellement, le Royaume-Uni connaît une pénurie de main-d'œuvre, avec plus d'un million de postes vacants.

Le Home Office veut rendre la loi sur l'immigration plus stricte

Sous la direction de Suella Braverman, le ministère de l'Intérieur britannique tente de restreindre l'immigration de diverses manières. Le très controversé projet de loi sur l'immigration illégale a récemment été présenté au Parlement et pourrait bientôt être adopté. Suella Braverman tente également de convaincre les membres de son parti de réduire les droits au travail après les études et de restreindre certaines formes de regroupement familial. Des mesures qui vont à l'encontre de l'opinion publique.

Qu'est-ce que le projet de loi sur l'immigration clandestine ? S'il est adopté, ce projet de loi empêchera les petites embarcations de traverser la Manche et permettra au ministère de l'Intérieur de détenir et d'expulser très facilement les immigrés sans papiers. Les sans-papiers, même ceux qui fuient les persécutions, ne bénéficieront plus de la protection des lois anti-esclavagistes existantes. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés a fait part de ses plus vives inquiétudes sur ce dernier point, avertissant qu'il violerait de nombreuses Conventions sur les droits de la personne. Malgré cela, le ministère britannique de l'Intérieur semble toujours déterminé à faire avancer ce projet de loi.

Un autre changement cher à la ministre Suella Braverman est la réduction des droits de travail post-études des étudiants internationaux. Depuis le lancement du Graduate Visa en 2021, les étudiants internationaux ont automatiquement le droit de rester au Royaume-Uni pendant deux ans après l'obtention de leur diplôme, quel que soit le type d'emploi qu'ils ont obtenu, même s'ils travaillent à leur compte.

Dans le cadre d'efforts plus larges visant à réduire les chiffres de l'immigration, Suella Braverman souhaite réduire radicalement la période de travail post-études à 6 mois. Elle souhaite également empêcher une grande partie des étudiants étrangers de venir au Royaume-Uni avec des personnes à charge. Les experts en éducation, dont la secrétaire d'État à l'éducation Gillian Keegan, ne sont pas d'accord et ont averti que cela ternirait la réputation du Royaume-Uni en tant que centre d'éducation et aggraverait la pénurie de main-d'œuvre.

D'autres modifications à la loi sur l'immigration ont déjà été adoptées, dont certains sont plus favorables à l'immigration. Comme l'indique le cabinet d'avocats Pinsent Masons, à partir du 12 avril 2023, le salaire minimum pour les travailleurs expatriés parrainés et qualifiés devrait passer de 25 600 livres sterling à 26 200 livres sterling. D'autres taux applicables aux travailleurs expatriés, comme le taux horaire et le salaire minimum pour les travailleurs inexpérimentés, seront également revus à la hausse.

Les programmes de mobilité des jeunes et de vacances-travail ont également été étendus. Le Royaume-Uni a conclu de nouveaux accords avec des pays du Commonwealth, notamment la Nouvelle-Zélande, l'Australie et l'Inde, afin d'augmenter la durée de séjour ou le quota de jeunes bénéficiant de ces visas. Par exemple, les Néo-zélandais de moins de 35 ans peuvent désormais passer 3 ans au lieu de 2 au Royaume-Uni dans le cadre de ces programmes.

Il peut sembler contradictoire que ces politiques favorables à l'immigration soient mises en œuvre parallèlement à d'autres beaucoup moins favorables aux immigrants. Quoi qu'il en soit, certaines de ces dernières semblent avoir des conséquences plus graves, comme les problèmes liés à la législation internationale en matière de droits de l'homme ou la baisse du nombre d'étudiants étrangers. Le fait que l'opinion publique et les politiques d'immigration soient diamétralement opposées peut potentiellement conduire au mécontentement de la population et à l'instabilité politique.

A propos de Ameerah Arjanee

Ameerah est chargée de cours et tutrice privée enseignant l'espagnol et le mandarin à l'île Maurice. Elle a aussi été traductrice indépendante, éditrice et rédactrice de contenu pendant une décennie. Elle a vécu à Madrid et à Pékin.