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Droits du travail dans le monde : qu'est-ce qui a changé ?

groupe de travailleurs
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Écrit parAsaël Häzaqle 26 Juillet 2023

La Confédération syndicale internationale (CSI) a publié son dernier rapport sur les droits dans le monde en juin 2023. Un rapport qui marque également les 10 ans de la Confédération. Quel bilan peut-on tirer de cette période ? Constate-t-on des avancées en matière de droits pour les travailleurs dans le monde ? Ou, au contraire, assistons-nous à un recul ? Quels sont les pays où la situation est la plus problématique ?

Démocratie et droits des travailleurs

Pour la Confédération syndicale internationale (CSI), démocratie et droits des travailleurs sont intimement liés. Or la démocratie est pour eux en crise, et pas seulement dans les pays secoués par une instabilité politique. Les manifestations en Allemagne, au Royaume-Uni et même en Corée du Sud, pays pourtant peu habitué à la pratique, ont montré la détermination des travailleurs à défendre leurs droits. Mais 87 % des États ont violé le droit de grève. Au Canada, en Belgique, en Espagne ou au Togo, des travailleurs sont sous la menace de poursuite pénale et ont été licenciés pour avoir utilisé leur droit de grève. En Corée du Sud, c'est la puissante entreprise Daewoo qui traîne le syndicat Korea Metal Worker's Union en justice, au motif de pertes financières dues aux actions de grève. Daewoo exige 47 milliards de wons (35,3 millions USD).

Le droit à la négociation collective pour avoir de bonnes structures qui les représentent devant leurs employeurs, le droit au respect des libertés civiles, le droit au respect des travailleurs. Mais là encore 79 % des États ont violé le droit à la négociation collective. 77 % ont empêché les travailleurs de constituer un syndicat et de s'y affilier. C'est encore plus vrai pour les travailleurs expatriés et les travailleurs temporaires. Et même lorsqu'un syndicat se constitue, son enregistrement peut être contraint. Ça a été le cas dans 73 % des pays, dont le Canada et Hong Kong.

L'Indice CSI des droits dans le monde classe les États selon leur respect des droits des travailleurs. Les valeurs s'échelonnent de 1 (pays où les droits sont violés sporadiquement) à 5+ (pays où l'effondrement de l'État ne garantit plus aucun droit). L'étude, unique au monde, se portait sur 139 pays en 2014. Ils sont désormais 149.

Les pires pays du monde pour les travailleurs

La crise enfle depuis la pandémie, remettant en cause toute l'économie mondiale et obligeant à réorganiser les rapports. Les États eux-mêmes font face à d'importantes pénuries de main-d'œuvre dans de nombreux domaines. Mais alors que la crise devrait appeler à plus de coopération, la CSI constate que la compétition prime, et entre les États, et au sein d'un même État. Pour les auteurs de l'étude, l'heure est plus que jamais à la prise de conscience et à l'action.

Pour la CSI, le Bangladesh, le Bélarus, l'Égypte, l'Équateur, l'Eswatini, le Guatemala, le Myanmar, les Philippines, la Tunisie et la Turquie sont les 10 pires pays du monde pour les travailleurs en 2023. Ils obtiennent une note de 5, juste devant les 5+ (Haïti, Myanmar, Afghanistan, Yémen, Syrie…) pays marqués par un effondrement de l'État.

L'Équateur et la Tunisie entrent pour la première fois dans ce classement. En cause, des manifestations pour la démocratie réprimées violemment en Équateur, et une emprise toujours plus forte du président Kaïs Saïed sur la Tunisie. Nouvelle dans le classement, la Guinée-Bissau obtient une note de 4 (pays dans lesquels les droits sont systématiquement violés). La Guinée-Bissau rejoint l'Arabie saoudite, les États-Unis, la Grèce, le Qatar, le Vietnam, ou encore, le Royaume-Uni (dont la note est en baisse).

Les pays ayant obtenu un score de 3 sont ceux où les droits sont régulièrement violés. On trouve ici le Canada, l'Afrique du Sud, la Jamaïque, le Maroc, le Mozambique, la Belgique... La Côte d'Ivoire, le Gabon, l'Australie et le Chili sont les 4 pays à avoir amélioré leur score. La situation est meilleure au Ghana, au Costa Rica, en Lettonie, au Japon, en Suisse, en République dominicaine, en France, en Nouvelle-Zélande ou au Malawi. Ces pays obtiennent la note de 2 (violations réitérées des droits). À peine 9 États obtiennent la meilleure note (1, pour une violation sporadique des droits) : l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Finlande, l'Islande, l'Irlande, l'Italie, la Norvège et la Suède.

La responsabilité des entreprises

Il aura fallu un livre pour faire bouger l'État français et mettre en lumière les pratiques d'Orpea, entreprise s'affichant comme un « leader mondial » du secteur de la dépendance. En 2022, le journaliste Victor Castanet publie Les Fossoyeurs, livre-enquête qui révèle les pratiques extrêmes d'Orpea pour « réduire les coûts » ; Orpea, qui bénéficie pourtant d'importants financements émanant de l'État. L'affaire a révélé des pratiques de maltraitance à l'égard des patients et une violation des droits des travailleurs. L'Indice CSI pointe Orpea et plusieurs autres grandes entreprises connues pour avoir violé les droits des travailleurs, être liées à une violation des droits des travailleurs, ou n'avoir pas agi pour remédier aux violations des droits des travailleurs. Parmi elles, Amazon, Starbuks (États-Unis), Apple (Australie), Philip Morris (Turquie), Daewoo (Corée du Sud), Deliveroo, Uber (Pays-Bas), Ikea (Pologne), DPD (Suisse), Telmex (Mexique), Ryanair (Espagne), ou encore Yamaha Motors (Inde).

Droits dans le monde : quels changements en 10 ans ?

149 États étudiés, et un constat alarmant. Tous les indicateurs de la Confédération syndicale internationale (CSI) sont dans le rouge. Sur 10 ans, l'Indice observe une augmentation des violations du droit de grève et de la négociation collective. Les violences à l'égard des représentants et membres syndicaux ont augmenté, de même que les limitations à constituer, s'affilier ou faire enregistrer un syndicat.

Moyen-Orient et Afrique

La situation est encore plus critique pour les travailleurs, avec une violation des droits en augmentation depuis 10 ans. Le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord restent la pire région au monde pour les travailleurs, avec une note qui baisse de 4,25 en 2014 à 4,53 en 2023. C'est un peu mieux en Afrique subsaharienne (3,26 en 2014, 3,84 en 2023). Mais là encore, on constate un recul. Les récents coups d'États, guerres et perturbations politiques ajoutent à une situation critique pour les populations. Les conflits ébranlent toujours le Burundi, la République centrafricaine, la Somalie ou le Soudan du Sud. Les coups d'État au Burkina Faso, au Mali, au Tchad, en Guinée et au Soudan ont restreint les libertés des travailleurs.

Asie-Pacifique

Baisse aussi en Asie-Pacifique, avec une note dégradée de 4,05 en 2014 à 4,18 en 2023. En 10 ans, on enregistre, là encore, une hausse des restrictions et des violences à l'égard des actions syndicales. La situation est toujours tendue à Hong Kong, avec une pression toujours plus accrue sur les militants pro démocratie. Les syndicats indépendants et organisations en faveur de la démocratie ont été dissous ; les dirigeants syndicaux sont recherchés et menacés. En Chine, la répression contre les populations ouïghoures, kazakhs, turcophones et musulmanes ne faiblit pas. Le pays est aussi épinglé pour ses atteintes aux droits des travailleurs, notamment dans l'industrie de l'habillement. Aux Philippines, en Inde, au Pakistan et au Myanmar, les arrestations arbitraires de travailleurs et la pression accrue sur les représentants syndicaux contraignent l'expression des droits.

Europe

C'est le cas en Europe, le continent des droits de l'homme et de la démocratie. La note du Vieux Continent est passée de 1,84 en 2014 à 2,56 en 2023. Parmi les causes, des mesures de l'exécutif pour contraindre le droit de grève et de manifestation. C'est le cas au Royaume-Uni, où le pouvoir a tenté de faire passer une loi pour limiter le droit de grève et de manifestation. Le pays s'est aussi fait remarquer pour ses pratiques antisyndicales, et le non-respect des conventions collectives.

En France, aux Pays-Bas et en Belgique, le dialogue est de plus en plus difficile entre gouvernements et représentants syndicaux. Des gouvernements qui durcissent les restrictions à l'égard des seconds, n'hésitant pas à se passer d'une négociation pourtant indispensable avec les représentants syndicaux. En Turquie, au Kazakhstan et au Bélarus, c'est la nature même du régime politique (qui verse dans l'autocratie), qui contraint, voire empêche l'expression des droits des travailleurs.

Amériques

Aucun continent n'est épargné par l'augmentation des contraintes à l'égard des travailleurs. En 10 ans, la note des Amériques a elle aussi diminué, passant de 3,16 en 2014 à 3,52 en 2023. Dans ces pays, les violences ont atteint des niveaux inédits, allant même jusqu'à l'assassinat de représentants syndicaux. Ce fut le cas au Brésil, en Colombie, au Guatemala et au Pérou. L'on assiste également à une hausse des pratiques antisyndicales dans ces pays, de même qu'aux États-Unis et au Canada. Sur 10 ans, l'Indice CSI constate une recrudescence des tentatives législatives pour empêcher de faire grève.

Quel monde dans 10 ans ?

À quoi ressemblera le monde dans 10 ans ? Les 10 années précédentes marquent un recul dans des domaines pourtant essentiels à la démocratie. Le droit de grève devient de plus en plus remis en question. Le droit à la négociation collective s'érode. La protection des travailleurs diminue, de même que leur accès à la justice. En parallèle, les détentions et emprisonnements arbitraires augmentent. Pour la CSI, la démocratie est en crise, avec un « démantèlement méthodique des éléments constitutifs de la liberté ». Pour l'organisme, une prise de conscience des États et un changement radical parviendront à améliorer les conditions des travailleurs dans le monde.

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A propos de

Titulaire d'un Master II en Droit - Sciences politiques ainsi que du diplôme de réussite au Japanese Language Proficiency Test (JLPT) N2, j'ai été chargée de communication. J'ai plus de 10 ans d'expérience en tant que rédactrice web.

Commentaires

  • FranciscoTavares
    FranciscoTavaresl'année dernière

    D'après ce article et le rapport de CSI, il semble que la Ukranie n'existe pas!...

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