Le charme des multinationales à l'étranger : mythe ou réalité ?

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Écris par Asaël Häzaq le 30 janvier, 2024
Travailler pour une multinationale… Un rêve pour beaucoup de travailleurs prêts à tenter l'expatriation pour atteindre leurs objectifs. A priori, les multinationales permettent de faire carrière. L'entreprise semble encore plus accessible en choisissant un groupe de son pays, mais basé à l'étranger. Les multinationales françaises, par exemple, sont de plus en plus nombreuses à s'implanter à l'étranger. Une aubaine pour les travailleurs français ? L'aventure multinationale est-elle toujours attrayante ?

Le dynamisme des multinationales

A priori, les expatriés ont tout intérêt à continuer de miser sur les multinationales. Confèrent les derniers chiffres des organismes de statistiques, qui notent plutôt une tendance à la hausse des recrutements. C'est le cas en Suisse, dans le canton de Genève. Les derniers chiffres de Statistique Genève, publiés le 18 janvier 2024, montrent une hausse de 1,3 % des emplois dans les multinationales entre fin 2021 et fin 2022. Si l'on constate un léger ralentissement par rapport à 2020-2021 (+ 1,7%), les multinationales continuent de recruter. Fin 2022, les multinationales présentes sur le canton représentaient 108 206 emplois à temps plein. 3 secteurs contribuent particulièrement au dynamisme des multinationales en Suisse : l'horlogerie, le négoce et l'hôtellerie-restauration.

Ailleurs en Europe, les grands groupes automobiles confirment leur virage à l'électrique. D'après l'Association des constructeurs européens d'automobiles (ACEA), le marché automobile européen bondit de 13,9 % en 2023 (comparativement à 2022). L'électrique booste le secteur, avec + 37 % de ventes en 2023. Les 3 plus grands marchés se situent en Italie (+ 18,9%), en Espagne (+ 19,7%) et en France (+ 16,1%). De quoi attirer les professionnels étrangers et les autres entreprises étrangères. À la conquête de l'Europe, le constructeur automobile chinois BYD (Build Your Dream) annonce fin décembre construire sa première usine à Szeged, en Hongrie. À la clé, la promesse de « milliers d'emplois » en Hongrie.

En Afrique aussi, ça bouge. Début novembre 2023, Marrakech accueille l'Africa Investment Forum (AIF), Forum incontournable rassemblant chefs d'État, multinationales, investisseurs et autres grands décideurs. Objectif de cette édition : « Libérer les chaînes de valeur de l'Afrique » pour une croissance durable. Pour mieux comprendre les consommateurs et s'assurer de la sécurité de leurs données, les multinationales se tournent de plus en plus vers les start-ups africaines.

Zoom sur les multinationales françaises à l'étranger

Travailler à l'étranger pour une entreprise de son pays : une aubaine pour les candidats à l'expatriation ? Selon le dernier rapport de la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Fondation IFRAP), les multinationales françaises basées à l'étranger sont 3 fois moins nombreuses que leurs homologues étrangères basées en France (6232 contre 17 500 multinationales implantées en France en 2021). Mais les sociétés françaises basées à l'étranger sont en constante augmentation et créent plus d'emplois : 6,9 millions en 2021, pour 2,3 millions d'emplois créés en France par des entreprises étrangères.

D'après une étude de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) parue le 7 novembre 2023 (sur les chiffres de 2021), les multinationales françaises sont particulièrement bien implantées aux États-Unis (5200 filiales), en Allemagne (4100 filiales) et au Royaume-Uni (3700 filiales). D'autres pays se distinguent, comme le Brésil, le Mexique, l'Inde, la Chine, ou l'Espagne. Si la majorité des emplois est créée aux États-Unis (754 000), l'Inde et le Brésil constituent les deux autres grands effectifs d'employés (respectivement 520 000 et 518 000). Le ministère français de l'Économie fournit d'ailleurs des renseignements sur la présence des groupes français à l'étranger pour les candidats à l'expatriation. LVMH, L'Oréal, Sanofi, Bic, ou encore Total Energies font partie des multinationales françaises les plus présentes à l'étranger.

D'après l'INSEE, près de la moitié des travailleurs de ces multinationales françaises implantées à l'étranger travaillent dans les services marchands. L'industrie est le deuxième bastion d'emplois (36 % des emplois), devant le commerce (17%) et la construction (4%), mais avec des variations selon les pays. L'Inde concentre la majorité des services marchands (13,5%). Le Brésil se porte davantage sur le commerce (19,4). Les États-Unis sont en première position pour les métiers de l'industrie (12,5%).

Les multinationales font-elles toujours rêver les expats ?

Pour fêter le 10e anniversaire de son grand projet des Nouvelles routes de la soie, la Chine a organisé son Forum les 17 et 18 octobre 2023. Les représentants de 130 États ont répondu à l'invitation chinoise, dont Srettha Thavisin, le Premier ministre thaïlandais, Gabriel Boric le président chilien ou encore Vladimir Poutine, le président russe. Mais l'ambiance n'est pas vraiment à la fête. L'ambitieux projet de Xi Jinping patine. Début décembre 2023, l'Italie, seul pays du G7 à avoir adhéré au projet, quitte officiellement les Nouvelles routes de la soie. Un coup dur pour Pékin, qui voulait justement étendre son influence sur l'Europe.

Si la Covid, l'invasion russe en Ukraine et la crise économique expliquent une partie du ralentissement du projet, « la fin du rêve chinois » a également beaucoup joué. Des entreprises étrangères regrettent « la méthode chinoise » qui exigerait notamment la présence de représentants du parti communiste au sein des filiales. D'autres rappellent la politique zéro-Covid et ses effets sur l'économie et les tensions avec Taïwan. Plutôt que de miser sur la Chine, ces entreprises étrangères préfèrent s'implanter au Vietnam, en Inde, en Thaïlande ou en Corée du Sud. Pour les experts, la Chine fait moins rêver qu'avant.

Repenser le travail à l'étranger

L'observation peut-elle s'étendre à d'autres pays ? Les chercheurs suisses établissaient un constat similaire en 2018. Pour eux, l'âge d'or des multinationales est passé. Elles ne constitueraient plus un rempart contre le chômage. Perçues comme trop rigides et inaccessibles, elles seraient délaissées au profit des petites et moyennes entreprises (PME) et des start-ups. C'est par exemple le cas au Japon, où le modèle des grandes entreprises ne séduit plus. L'emploi à vie n'est plus garanti depuis longtemps, et la rigidité peut être perçue comme un enfermement.

A contrario, les start-ups gagnent en popularité, et les nomades numériques font du Japon leur nouvelle destination phare. En Amérique latine aussi, on assiste à un boom des start-ups. La crise sanitaire est aussi passée par là. « Faire carrière » n'a plus le même poids qu'avant. Les candidats à l'expatriation prêtent davantage attention à l'épanouissement professionnel et personnel. Si les multinationales restent bien entendu incontournables, elles composent avec d'autres acteurs (PME, start-ups…) et peuvent aussi faire le choix de la main-d'œuvre locale. C'est le cas du géant automobile japonais Toyota qui, en 1998, choisit de s'implanter à Valenciennes, ville du nord de la France. Le choix n'est pas dû au hasard : Valenciennes et sa région constitue la 2e région automobile de France, juste derrière l'Île-de-France.