S'intéresser à la qualité de l'air ne fait pas encore partie de la to do list de l'expatrié. Mais la donne pourrait changer. Les expatriés et futurs expatriés sont de plus en plus sensibilisés à l'écologie et aux risques environnementaux. Vivre dans une ville polluée ne plaît bien sûr à personne. Encore faut-il pouvoir la voir. La pollution cachée (particules fines...) plombe l'air des villes et menace la santé. Analyse.
Une pollution mortelle
D'après l'étude de The Lancet Planetary Health publiée en juin 2022, la pollution est responsable de 9 millions de morts par an dans le monde. Une personne sur 6 meurt à cause de la pollution. L'étude menée par The Lancet a porté sur toutes les formes de pollution. Pour les chercheurs à l'origine du rapport, la pollution est le premier risque environnemental causant maladies et décès prématurés. Elle cause à elle seule 3 fois plus de décès que le paludisme, la tuberculose et le sida réunis.
Les chercheurs ne voient pas d'amélioration malgré de meilleures conditions de vie et un meilleur accès aux soins. En cause : les inégalités croissantes entre les différentes régions du monde et l'augmentation massive des nouvelles formes de pollution. Si les formes « anciennes » de pollution (charbon, eau non potable…) ont considérablement diminué, les formes modernes (particules fines) ont augmenté dans des proportions plus importantes, annulant les effets positifs de la baisse.
Expatriation, pollution, et santé
Quel impact la pollution peut-elle avoir sur les projets d'expatriation ? On pense rarement à contrôler la qualité de l'air de la ville d'expatriation, surtout si l'on ne souffre d'aucun problème de santé. On pense davantage (pour des raisons facilement compréhensibles) aux secteurs qui recrutent, aux procédures de visa plus ou moins facile, et aux politiques d'immigration. Pourtant, la pollution de l'air a des effets directs sur la santé. Les chercheurs distinguent deux effets : immédiats et de long terme.
Les effets immédiats peuvent apparaître après une exposition de courte durée à la pollution : crises d'asthme, irritations oculaires ou des voies respiratoires, aggravation de troubles déjà présents (troubles cardiovasculaires, par exemple). Les cas les plus graves peuvent conduire à l'hospitalisation, voire au décès. Les effets de long terme sont liés aux expositions à répétition ou continues. Ces expositions sur un temps long peuvent aggraver les maladies chroniques, favoriser la survenue de maladies, diminuer l'espérance de vie, accélérer le développement d'une maladie. Là aussi, les conséquences peuvent être mortelles.
Les enfants, les personnes âgées, les personnes asthmatiques, souffrant de maladies cardiaques ou des poumons, et les fumeurs sont des populations pouvant être plus sévèrement touchées par la pollution. Une pollution qui a aussi ses conséquences environnementales : hausse des sécheresses, dégradation des sols, baisse de la qualité et de la production de fruits et légumes…
Un risque de maladie accru dans les villes polluées
Le 2 décembre 2022, une étude britannique menée par un panel d'experts internationaux confirme ce que tout le monde supposait : plus on habite dans une ville polluée, plus on risque de développer une maladie chronique d'ordre respiratoire, neurologique ou cardio-vasculaire. En mars 2023, la société suisse IQAir, spécialisée dans le développement et la vente de produits de purification d'air, publie son étude annuelle sur la qualité de l'air et les pays les plus polluants. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) fixe une limite de particules fines à ne pas dépasser (5 μg/m³, ou moins). À peine une dizaine de pays sont sous le seuil : Maurice, les Bermudes, l'Islande, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, ou encore l'Estonie.
À l'opposé, l'Inde, le Pakistan et le Bangladesh sont les pays enregistrant les niveaux les plus importants (respectivement 54,4 μg/m³, 73,7 μg/m³ et 79,9 μg/m³). Les pics de pollution sont particulièrement importants à New Delhi (plus de 90 μg/m³ ) et Dakha, au Bangladesh (80 μg/m³). L'Asie est, selon l'étude, le continent concentrant le plus grand nombre de villes très polluées.
Faut-il choisir entre écologie et économie ?
On comprend mieux l'importance de s'intéresser à la qualité de l'air quand on songe à s'expatrier. Mais encore faut-il avoir accès aux relevés. Les résultats des études de IQAir sont parfois contestés par les villes, qui les jugent non scientifiques. L'entreprise dit pourtant se baser sur les relevés officiels publiés par les villes. Mais toutes ne le font pas, par choix ou manque de moyens. Les pays d'Afrique restent largement sous-représentés. Les locaux sont les premiers à souffrir de ce manque d'information.
L'OMS ne cesse de rappeler les effets dévastateurs de la pollution sur la santé. Mais les promesses faites par les États lors des confinements ont été vite balayées par les aspirations économiques. Les associations environnementales rappellent cependant qu'écologie et économie vont de pair. L'association est même essentielle pour la survie de l'homme et de la planète. À l'échelle européenne, la dernière évaluation de l'impact de la qualité de l'air sur la santé de l'Agence européenne pour l'environnement (AEE) publiée en novembre 2023 révèle que les pays européens présentent des taux de particules fines qui dépassent les recommandations de l'OMS. La conséquence est lourde : plus de 253 000 décès en 2021. 98 % des personnes vivant en Europe respirent un air toxique, avec une situation plus grave en Europe de l'Est. Faudrait-il pour autant éviter toute expatriation en Europe ? Pour aller où ?
Qualité de l'air : où s'expatrier ?
La question du choix de la ville d'expatriation se repose. La première option serait de cibler les villes généralement citées pour leur bonne qualité de l'air, comme Zürich, Honolulu ; Wollongong, Perth et Hobart (Australie), Reykjavík (Islande), Turku (Finlande), Vancouver, Bergen (Norvège), Stockholm ou Édimbourgh. Mais il n'est pas toujours possible de choisir sa ville d'expatriation. Le voyage peut résulter d'une mutation à l'étranger, d'un suivi de conjoint, d'une opportunité professionnelle qu'on ne trouve pas ailleurs… La difficulté d'obtenir un visa, un travail, peut orienter les recherches vers un pays où les démarches sont plus faciles. Il ne faut pas non plus mettre de côté les aspirations personnelles. On peut rêver de s'expatrier dans un pays qui ne brille pourtant pas par sa qualité de l'air.
S'il est important de poursuivre ses objectifs, il est tout aussi capital de ne pas minimiser les effets de la pollution de l'air sur la santé. En février 2023, une étude parue dans la revue médicale JAMA Psychiatry confirme le lien entre risque de dépression, de troubles de l'anxiété, et exposition à une mauvaise qualité de l'air. Si l'étude, menée durant près de 11 ans, s'est concentrée sur 389 185 dossiers médicaux de personnes résidant au Royaume-Uni, un parallèle avec d'autres pays est tout à fait envisageable. Loin de vouloir effrayer, ces études visent à alerter les populations et à faire réagir les États.
Liens utiles :
Applications pour mesurer la qualité de l'air
États-Unis : AirNow
Canada : Local Air Quality Health Index
Australie : Air quality concentration data
Corée du Sud : AirKorea
Royaume-Uni : UK Air