Communauté LGBTQI+ : demandes d'asile pour échapper à la persécution et la discrimination

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Publié le 2024-06-18 à 15:00 par Asaël Häzaq
Augmentation des violences contre les personnes LGBTQI+, interdictions des relations homosexuelles, privations de droits… La hausse de la persécution contraint toujours plus de personnes LGBTQI+ à demander l'asile à l'étranger. Quelles sont les conditions de prise en charge ? Décryptage.

Augmentation de la persécution anti-LGBTQI+ dans le monde

Publié le jeudi 30 mai 2024, le rapport de l'Association internationale des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes (Ilga World) sonne à nouveau la sonnette d'alarme. Loin de diminuer, la persécution anti-LGBTQI+ dans le monde progresse. L'association publie justement son rapport à quelques jours du mois des Fiertés (mois de juin), et rappelle que les violences anti-LGBTQI+ sont présentes même au sein des États qui accueillent les festivités du mois des Fiertés. C'est le cas de la Jamaïque, où les Prides n'empêchent pas le maintien de lois homophobes. En Jamaïque, l'homosexualité est toujours un crime, passible de 10 ans d'emprisonnement. D'autres États criminalisent l'homosexualité, dont une majorité en Afrique (Namibie, Cameroun, Algérie, Égypte, Kenya, Tanzanie…), au Moyen-Orient (Arabie saoudite, Oman…) et en Asie centrale et du sud-Est (Iran, Sri Lanka, Indonésie…).

Ilga World reconnaît des avancées en matière de droits pour les lesbiennes, gays, bi, trans+. En 2023, Maurice, Singapour, la Dominique et les Iles Cook dépénalisent les relations homosexuelles. L'Estonie légalise le mariage pour tous, une première pour l'ancien membre du bloc soviétique. Le Népal saute également le pas. En 2024, la Grèce et le Liechtenstein autorisent le mariage pour tous. Les députés thaïlandais ont proposé un texte de loi pour légaliser le mariage entre personnes de même sexe. Ces avancées vont néanmoins de pair avec davantage de restrictions : toujours en 2023, l'Ouganda vote l'une des lois anti-LGBTQI+ les plus répressives au monde. La Russie durcit sa loi anti-LGBTQI+. En 2024, l'Irak renforce sa législation contre l'homosexualité. Les persécutions anti-LGBTQI+ augmentent dans plusieurs pays du monde (+19 % aux États-Unis, +15 % en Allemagne, +13 % en France, +38 % dans la province canadienne d'Alberta (entre 2019 et 2022))… De plus en plus de personnes LGBTQI+ se disent contraintes de demander l'asile à l'étranger.

Conditions pour faire une demande d'asile à l'étranger

On parle généralement de « demande d'asile pour cause de persécution liée au genre » et de « demande d'asile pour cause de persécution fondée sur l'orientation sexuelle ». L'une des premières conditions à remplir est l'une des plus délicates. Le demandeur d'asile doit prouver qu'il est bien victime de persécution. Il est déjà très difficile pour les demandeurs d'asile persécutés en raison de leur origine ethnique, de leur religion, etc. de faire reconnaître leur qualité de victime. La démarche est encore plus délicate pour les victimes de persécution anti-LGBTQI+. Leur cas est souvent classé « dans une autre catégorie » par les administrations.

Critères pour étudier la demande du postulant

Les administrations retiennent des critères précis pour étudier la demande du postulant. Il faut pouvoir prouver son orientation sexuelle, son identité transgenre ou non-binaire, la persécution subie dans le pays que l'on a quitté et ses conditions de vie dans ce pays. 

Si ces critères sont donnés à titre général (chaque État est libre de fixer les siens), ils mettent en lumière la difficulté, pour les demandeurs d'asile, de prouver leur statut. Il leur faut revenir sur des épisodes traumatiques, révéler leur intimité, parler de ce qu'ils ont toujours caché. Les enquêtes et questionnaires poussés des services de l'immigration les obligent à fournir des détails précis sur leur mode de vie et leurs conditions de vie. 

La question fondamentale reste celle de la preuve : comment prouver que son genre et/ou son orientation sexuelle sont la cause de la persécution ? Les organismes examinant les demandes d'asile peuvent exiger des preuves matérielles. Mais comment prouver matériellement son genre ou son orientation sexuelle ? L'autre difficulté est celle de la barrière de la langue. Même s'il est possible de recourir à un interprète, il reste délicat de défendre sa cause sans connaître la langue du pays dans lequel on fait sa demande d'asile. Les administrations reconnaissent que les interprètes ne sont pas toujours compétents. Or, les entretiens avec les demandeurs d'asile permettent aussi aux agents de se forger une conviction, de confirmer ou de revenir sur leur position. L'appréciation des preuves reste à leur discrétion.

Des demandeurs d'asile plus vulnérables

D'après les associations LBGTQI+, les personnes LGBTQI+ seraient les demandeurs d'asile les plus vulnérables et les plus marginalisés. En cause : la difficulté de prouver son statut. Ils rappellent que la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 n'inclut toujours pas les personnes LGBTQI+. 

Les États-Unis sont l'un des pays accueillant le plus de demandes d'asile venant de personnes LGBTQI+. Le « rêve américain » attire toujours, même si les conservateurs durcissent le ton avec leurs lois anti-LGBTQI+. Mais là encore, les obstacles sont nombreux. En plus des démarches longues et éprouvantes, les victimes se heurtent à des complications d'ordre pratique. L'inscription pour la demande d'asile s'effectue via une application disponible en anglais, espagnol, et créole. Sans smartphone et connexion Internet, impossible de faire sa demande. Même problème si l'on ne connaît aucune des langues disponibles. 

Les demandeurs d'asile LGBTQI+ peinent à faire entendre leur voix. Ils estiment être « une minorité dans la minorité » subissant une persécution « de chaque instant » dans leur pays d'origine. Ils en appellent à davantage de reconnaissance de la part des États.

Liens utiles (en anglais) :

Human Dignity Trust : carte des pays où être LGBT+ est un crime

Jamaïque : J-FLAG, association de défense des LGBT+

États-Unis : demande d'asile

États-Unis : LGBT Asylum Project