Immigration : les dernières réformes du Canada et des États-Unis à l'Australie

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Écris par Asaël Häzaq le 02 juillet, 2024
Accélération des procédures d'obtention de visas, création de nouveaux titres de séjour, renforcement du partenariat entre les États, restrictions du nombre de travailleurs expatriés… La question migratoire reste un sujet central dans de nombreux pays. Tour d'horizon.

Canada

Nouveau système d'immigration pour les soignants

Le ministre de l'Immigration Marc Miller a annoncé la mise en place de 2 nouveaux programmes pilotes d'immigration pour les soignants et aidants. Ils remplacent les 2 projets pilotes Service de garde d'enfant à domicile et Aide à domicile. Ces programmes pilotes pourraient devenir permanents. Miller a en effet souligné le rôle essentiel des soignants et aidants auprès des familles canadiennes. Le plan d'immigration 2024-2026 prévoit plus de 15 000 places de résident permanent pour les soignants. 

Les nouveaux programmes pilotes vont en ce sens et offrent la résidence permanente aux travailleurs étrangers du secteur des soins à domicile. Le gouvernement ouvre d'autres débouchés aux expatriés comme les soins pour une personne convalescente suite à une maladie ou une blessure ou les soins à temps partiel chez les patients semi-autonomes.

Pour être éligibles, les candidats étrangers doivent être expérimentés, avoir une offre d'emploi à temps plein pour des soins à domicile, être diplômés (niveau secondaire) et atteindre au moins le niveau 4 au test de niveaux de compétence linguistique canadiens. Le gouvernement promet de délivrer plus de détails ultérieurement. L'annonce de Miller veut répondre à l'inquiétude des organisations de soutien aux travailleurs étrangers, qui militent pour des programmes plus équitables pour les soignants. Elles ciblent notamment l'expérience exigée, ramenée à 1 an lors du précédent programme pilote, contre 2 ans auparavant. Pour les associations, le travail des soignants expatriés devrait davantage être pris en compte et permettre d'obtenir plus facilement la résidence permanente. 

Proposition de réforme du permis de travail post-diplôme 

Le gouvernement fédéral et les provinces ont commencé leur discussion pour réformer le permis de travail post-diplôme (Post graduation work permit – PGWP). Objectif : gagner en efficacité en délivrant des PGWP en fonction des besoins du marché du travail. L'accès serait facilité pour les diplômés de secteurs en pénurie, mais restreint pour les autres. Le Canada espère mettre en place le nouveau dispositif en janvier 2025. 

Accusé de durcir sa politique et de renier ses principes, le ministère de l'Immigration se justifie et atteste agir au contraire pour favoriser l'accueil des étudiants étrangers sur le marché du travail. Or, il est plus facile de trouver un emploi dans un secteur en pénurie. D'après les chiffres du gouvernement, les permis de travail délivrés dans le cadre du PGWP ont augmenté de 214 % entre 2018 et 2023. Les contradicteurs restent sur la défensive. Ils craignent de nouvelles mesures restrictives, comparables à l'introduction de plafonds pour les étudiants étrangers (depuis janvier 2024).

Pénurie de main-d'œuvre en Colombie-Britannique

La Colombie-Britannique recherche des travailleurs étrangers, notamment dans la santé et la construction. Pour faciliter le recrutement de professionnels étrangers, la Colombie-Britannique entérine une nouvelle loi sur la reconnaissance des diplômes internationaux. Entrant en vigueur le 1er juillet, elle permettra à 18 organismes professionnels de la province canadienne de lever les obstacles empêchant les travailleurs étrangers d'immigrer sur le territoire. 29 professions sont concernées, parmi lesquelles les ingénieurs, les éducateurs de la petite enfance ou les ambulanciers paramédicaux.

Pour le gouvernement provincial, l'absence de reconnaissance des diplômes nuit à la croissance de la province. Pourtant, le ministère de l'Éducation note que près de 428 000 travailleurs en Colombie-Britannique ont étudié à l'étranger. Près d'un million de postes seront vacants dans 10 ans, principalement à cause de départs en retraites et de baisse démographique. La loi supprime l'exigence d'une expérience professionnelle au Canada (jugée discriminatoire) et l'exigence linguistique. Un Bureau sera chargé de vérifier la bonne application de la loi. 

Vers la fin des permis de travail fermés ?

Un récent rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie recommande au ministère de l'Immigration de mettre fin au Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET). D'après le rapport, le PTET, pensé comme le dernier recours des entreprises en crise de personnel, est devenu leur premier recours pour recruter des travailleurs étrangers. Les emplois proposés dans le cadre du PTET sont fermés : les expatriés sont contraints de travailler pour un seul employeur durant leur séjour au Canada. Le système est qualifié de moins protecteur et, de plus, précaire. Les expatriés qui perdent leur emploi risquent de devoir quitter le territoire. Quelques exceptions existent, notamment en cas de pratiques abusives de l'employeur.

Le rapport souligne que le PTET, pensé pour être l'exception, est aussi devenu une voie courante d'accès à la résidence permanente. Or, d'autres voies d'accès leur sont ouvertes, comme l'Entrée express. Les auteurs de l'étude estiment que le système ne convainc ni les employeurs ni les expatriés. Ils exhortent le gouvernement à supprimer les permis fermés d'ici 3 ans et proposent l'instauration de permis régionaux, pour mieux cibler les besoins des provinces. Un autre rapport émanant de l'Institut Cooper, association caritative, préconise au gouvernement d'accorder la résidence permanente à tous les travailleurs temporaires, pour mettre fin aux inégalités de droits (avec les travailleurs canadiens) et mieux les protéger.

Hausse de l'immigration temporaire au Québec

La question migratoire accentue les tensions entre le gouvernement fédéral et le Québec. D'après Statistiques Canada, la proportion de résidents non permanents a doublé entre 2021 et 2024, passant de 3,3 à 6,6 %. L'Agence nationale officielle a compté 597 140 résidents non permanents au Québec au 2e trimestre 2024. C'est plus qu'en 2023 et 2022 à la même période (respectivement 421 149 et 295 147 résidents non permanents). Une courte majorité est venue avec un permis de travail (43 %). Les autres résidents sont demandeurs d'asile (32 %), étudiants (12 %), ou expatriés combinant permis d'étude et de travail (9 %).

Pour la ministre québécoise de l'Immigration, Christine Fréchette, les niveaux d'immigration sont trop importants. Elle presse le gouvernement fédéral de revoir sa copie, de « mieux répartir » les demandeurs d'asile et de « réduire le nombre de résidents non permanents ». Et la ministre de lier la hausse du nombre d'expatriés à la crise du logement. Promesse reprise par le Premier ministre québécois François Legault, pour qui « 100 % des problèmes de logement » sont dus à la hausse du nombre d'expatriés. Le ministre fédéral de l'Immigration Marc Miller conteste la conclusion du Québec et rappelle que les problèmes de logement n'ont pas attendu la hausse de l'immigration pour survenir. Le gouvernement Trudeau compte sur les différentes réformes mises en place depuis le début de l'année pour mieux réguler les niveaux d'immigration et mieux accueillir les étrangers. 

États-Unis

Gel des visas pour les infirmiers

L'administration Biden souffle le chaud et le froid sur l'immigration. Restriction des règles du droit d'asile, régularisation d'immigrants illégaux éligibles et, désormais, gel des visas des infirmiers jusqu'à la fin de l'année. La décision surprend et inquiète les professionnels de santé, car les États-Unis sont toujours en pénurie d'infirmiers. La situation s'est aggravée depuis la pandémie. D'après l'exécutif, 100 000 infirmiers ont quitté leur emploi durant cette période, à cause du stress et du surmenage. Plus de 600 000 devraient quitter leur poste d'ici 2027 pour les mêmes raisons (et pour partir en retraite). Les infirmiers viennent exercer aux États-Unis via le visa EB-3. Mais seuls 40 000 sont délivrés chaque année. Le chiffre n'a pas bougé depuis la création du visa, en 1990.

Opposées à la mesure, l'American Association of International Healthcare Recruitment et l'American Health Care Association/National Center for Assisted Living pressent l'État d'appliquer le projet de loi sur la résilience. Présenté l'année dernière, le projet permettrait de récupérer les cartes vertes inutilisées (environ 25 000) pour les redistribuer aux infirmiers et aux médecins. Elles rappellent le rôle essentiel des infirmiers étrangers (16 % des infirmiers du pays sont étrangers) dans un système de soin en crise chronique. D'après la Chambre américaine de commerce, l'État aurait besoin de 193 100 infirmiers par an, au moins jusqu'en 2032. Mais ses prévisions tablent sur un peu moins de 180 000 infirmiers recrutés : un volume qui ne permet pas de combler les pénuries. Au moins 42 États risquent d'être exposés à la pénurie d'infirmiers d'ici 2030. 

Extension des frais de visa H-1B et L-1

Facture salée pour les entreprises, et coup dur à venir pour les expatriés. Le Département américain de la Sécurité intérieure (DHS) prévoit d'imposer des frais de 4 000 dollars pour toute extension du visa H-1B (visa de travailleur qualifié). Les frais augmentent à 4 500 dollars pour les extensions de visa L-1 (transfert des salariés dans une filiale ou succursale aux États-Unis). Prévus pour être applicables à partir du 8 juillet, les nouveaux tarifs s'intègrent dans un vaste plan de lutte contre la fraude fiscale. Actuellement, seules les entreprises de plus de 50 salariés avec plus de 50 % embauchés avec des visas H-1B et L-1 sont tenues de payer ces frais. Le DHS veut étendre la règle à toutes les demandes de prolongation. 

« Mauvaise idée », s'inquiètent les entreprises embauchant régulièrement des expatriés avec ces visas. Le visa H-1B est très largement utilisé, notamment dans la Tech. La hausse de frais ne sera pas supportable pour toutes les entreprises. Elles préviennent déjà que l'augmentation des frais d'extension de visa risque de se traduire par une diminution des embauches de talents étrangers.  

Royaume-Uni

Visa de travail : simplification des règles de parrainage pour les entreprises

Engagé dans une politique de réduction de l'immigration, le gouvernement britannique a fait un geste en faveur des entreprises recrutant des expatriés. Depuis le 6 avril, ces dernières n'auront plus à renouveler leur licence de parrainage (Sponsor License) tous les 4 ans. 

Les entreprises et les expatriés accueillent la nouvelle avec soulagement. Car l'ancien système, très contraignant, obligeait les employeurs à renouveler leur licence 90 jours avant son expiration, moyennant des frais élevés (536 à 1476 livres) et des délais de traitement longs (jusqu'à 8 semaines). Depuis le Brexit, les employeurs britanniques ne peuvent plus garder de travailleurs étrangers sans cette licence de parrainage, que les travailleurs viennent de l'Union européenne (UE) ou non. La mesure impactait également les établissements d'enseignement (écoles de langue, par exemple), contraints d'obtenir une licence de parrainage pour recruter des professeurs étrangers.

Avec le nouveau système, les licences de parrainage expirées sont automatiquement prolongées de 10 ans. Les licences encore en cours bénéficieront également de la prolongation automatique. C'est le ministère de l'Intérieur qui prendra en charge les frais de sponsoring. Les entreprises sont invitées à vérifier le statut de leur licence sur le site de gestion des parrainages (Sponsorship management system).

Vers une diminution des recrutements des travailleurs étrangers ?

Décidé à reprendre le pouvoir (les élections générales ont lieu le 4 juillet), le Parti travailliste n'entend pas détricoter les réformes des conservateurs. Au contraire, Keir Starmer, leader du parti, s'engage à faire baisser les chiffres de l'immigration. Dans son viseur : les travailleurs étrangers. Le Labour veut promouvoir la formation des Britanniques pour réduire les besoins en main-d'œuvre étrangère. Les entreprises contrevenantes ne pourraient plus parrainer de visas pour les travailleurs étrangers.

S'il est élu, le Parti travailliste promet de renforcer la formation des Britanniques dans 4 secteurs clés, actuellement en pénurie de main-d'œuvre : la santé, la construction, les services sociaux, l'informatique et l'ingénierie. Ces 4 secteurs bénéficieraient d'un « plan de main-d'œuvre » destiné à favoriser la formation et le recrutement de Britanniques. Là encore, les entreprises qui refuseraient de prendre part au plan seraient écartées de la liste des métiers en pénuries, et donc, ne pourraient plus recruter de travailleurs étrangers. 

C'est d'ailleurs ce que vise le Labour, pour qui la réduction de la liste des métiers en pénurie forcera les employeurs à employer des locaux. Les entreprises craignent au contraire un essoufflement de la croissance, car former les Britanniques prend du temps. Mais contrairement au gouvernement Sunak, le Labour ne souhaite pas avancer d'objectif chiffré en matière de réduction de la migration. De leur côté, les conservateurs promettent de nouvelles baisses du nombre de visas s'ils se maintiennent au pouvoir.

Autriche : accès au visa facilité pour les talents étrangers des secteurs en tension

Difficile pour les entreprises autrichiennes de composer avec la pénurie de main-d'œuvre. L'État a besoin de toujours plus de travailleurs étrangers. Certains secteurs sont particulièrement touchés par la pénurie. 

Statistics Austria, l'agence nationale des statistiques, a compté 196 400 postes vacants au premier trimestre 2024. C'est 8,5 % de plus que le trimestre précédent. Les secteurs les plus touchés sont les services, la manufacture et le secteur public. Le pays recherche des professionnels qualifiés dans la surveillance de chantier, l'électronique, la soudure, la tôlerie, le génie mécanique, électronique ou électrique, la cuisine, la plomberie, la menuiserie ou encore les soins (infirmiers, médecins généralistes, sages-femmes). 

Pour travailler en Autriche, les étrangers non européens doivent effectuer une demande de visa D (visa de longue durée). Mais les professionnels hautement qualifiés peuvent obtenir une carte Rouge-Blanc-Rouge. Instaurée depuis 2011, la carte, basée sur un système à points, permet aux talents étrangers non européens d'immigrer immédiatement. Mais elle est liée à l'employeur auprès duquel elle a été demandée. Les titulaires de la carte Rouge-Blanc-Rouge ne sont pas soumis au test obligatoire de « connaissance de l'allemand avant l'arrivée » (Deutsch vor Zuzug). Connaître l'allemand et/ou l'anglais octroie néanmoins plus de points. L'Autriche, qui perd des habitants, compte sur les travailleurs étrangers pour soutenir son économie et sa démographie. Elle mise sur les bons salaires de certains secteurs en pénurie (plus de 160 000 euros annuels pour un médecin généraliste, près de 70 000 euros pour un infirmier, plus de 50 000 euros pour un plombier…) pour attirer les talents étrangers.

Allemagne : accélération des procédures de visa pour les travailleurs étrangers qualifiés

Est-ce la fin de la lourde bureaucratie allemande ? La ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock se félicite des nouveaux délais de traitement des visas : 2 semaines, contre 9 mois auparavant. La ministre met en avant la numérisation et la centralisation des procédures. Le gouvernement espère arriver à une procédure 100 % numérique en 2025. D'après la ministre, l'office fédéral pour les Affaires étrangères, chargé du traitement des demandes de visa (en partenariat avec les services d'immigration à l'étranger) est « le plus grand service de visa » au monde. 

Pour faire face au défi démographique et à la pénurie de main-d'œuvre, l'Allemagne a besoin de 400 000 travailleurs étrangers par an. Baerbock table sur une hausse de délivrance de visas d'environ 63 %. Le gouvernement allemand compte sur sa réforme de l'immigration (votée en 2023) pour accueillir davantage d'étrangers qualifiés. D'après la Chambre de Commerce et d'Industrie, le pays aura besoin de 7 millions de nouveaux travailleurs d'ici 2035. 

Frais de visa Schengen : les augmentations et les exemptions

Les frais de visa Schengen ont augmenté de 12,5 % depuis le 11 juin. Il faut désormais compter 90 euros pour les adultes (contre 80 euros précédemment) et 45 euros pour les enfants (contre 40 euros précédemment). Les frais passeront même à 135 ou 180 euros pour les ressortissants provenant de pays ayant refusé de collaborer avec l'UE. Il s'agit ici de pays tiers ayant refusé d'accueillir leurs ressortissants en situation irrégulière visés par une obligation de quitter le territoire (OQTF). Les demandes de visa déposées après le 11 juin sont soumises aux nouveaux tarifs.

Mais la mesure ne concerne pas toutes les catégories. Les ressortissants de pays ayant conclu des accords de facilitation de visa avec l'UE continueront de bénéficier d'un tarif fixe, réduit à 35 euros. 4 pays sont concernés : Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie (les dirigeants sont exemptés de facilités) et le Cap-Vert. 8 autres États bénéficient du tarif fixe : l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, la Moldavie, le Monténégro, la Macédoine du Nord, la Serbie et l'Ukraine. Ces 8 États ont signé un accord d'entrée dans l'UE sans visa, mais n'ont pas encore mis en place le passeport biométrique.

Rien ne change pour les catégories déjà exemptées de frais de visa. Parmi eux, les titulaires de passeports diplomatiques, les familles de citoyens européens, de Suisse, de Norvège, du Liechtenstein et d'Islande (quelle que soit leur nationalité), ou encore les étudiants.

Refus de visa : le Royaume-Uni et l'UE accusés de pratiques discriminatoires

L'affaire concerne plus précisément des artistes africains et asiatiques. Ils sont de plus en plus nombreux à dénoncer des pratiques « humiliantes » orchestrées, selon eux, par les autorités britanniques et européennes. D'après une étude du Lago Collective, agence de recherche et de création, le Royaume-Uni a perçu 44 millions de livres en frais de demande de visa en 2024. L'UE en a récolté pour 110 millions de livres. Des millions perçus pour des demandes de visa toutes rejetées. Les frais ne sont en effet pas remboursables. Une aberration, pour les artistes qui se saisissent de l'étude : ils soulignent que l'argent engrangé provient principalement de pays à faible revenu. La grogne est d'autant plus vive que les frais de visa risquent encore d'augmenter en 2024. Ils avaient déjà subi une hausse en 2023, passant de 110 à 115 livres au Royaume-Uni et de 80 à 90 livres dans l'UE.

Autre point souligné par l'étude : les artistes africains sont les plus touchés par les refus de visa (40 à 70 % de taux de refus). L'UE rejette nombre de demandes de visa d'artistes sénégalais, nigérians et ghanéens (40 à 47 %). Au Royaume-Uni, les ressortissants algériens ont le taux de refus le plus élevé (71 %), devant le Bangladesh (53 %). Les artistes ont fait leurs comptes : avec des frais exorbitants de visa supérieurs à leur cachet et des taux de refus disproportionnés, se produire au Royaume-Uni ou dans l'UE relève de l'exploit. L'inverse serait moins vrai. Les artistes européens et britanniques ont moins de mal à se produire en Afrique et en Asie. Le Lago Collective y voit une conséquence de la hiérarchisation des visas, qui affecte les pays pauvres. Des artistes africains et asiatiques vont plus loin, et parlent d'un « apartheid mondial ».

Espagne : quelles solutions de visa/permis de séjour pour les professionnels de l'audiovisuel ?

En constante croissance, le secteur audiovisuel est l'un des piliers de l'économie espagnole. Pour attirer davantage de talents étrangers, le pays a mis en place des solutions d'immigration assouplies, qui prennent en compte les contraintes du secteur (embauches dans des délais très courts, projets internationaux nécessitant des déplacements hors Espagne, etc.). Le secteur audiovisuel couvre un large spectre : cinéma, télévision, jeux vidéo, eSport, publicité, animation, vidéo à la demande (VOD), etc.

Les solutions d'immigration sont pensées pour être souples, flexibles et simples. Les talents étrangers non européens n'ont plus à passer par la lourde procédure de demande d'autorisation de travail. Ils ont accès à une démarche simplifiée. Ils ont le choix entre 3 options, selon leur durée de séjour en Espagne. Pour les séjours de 90 jours maximum, le permis de travail n'est pas nécessaire. En revanche, les étrangers non européens ayant besoin d'un visa Schengen devront en faire la demande avant d'arriver en Espagne. Un visa spécial a été créé pour les séjours moyens (91-180 jours). Les longs séjours (plus de 180 jours) bénéficient aussi d'un permis dédié : permis unique combinant séjour et travail de 2 ans, renouvelable par périodes de 2 ans. 

Ces avantages pour les talents étrangers de l'audiovisuel s'intègrent dans le Spain Audiovisual Hub Plan présenté par le gouvernement Sánchez en mars 2021. Le gouvernement entend faire du pays un leader de la production audiovisuelle. 1 603 millions d'euros ont été débloqués pour augmenter la production espagnole de 30 % d'ici 2025. 

Immigration au Portugal : l'État durcit les règles pour les travailleurs étrangers

Tour de vis en matière d'immigration. Le gouvernement portugais vient d'introduire une nouvelle règle qui oblige les candidats à l'expatriation à obtenir un visa de travail avant d'arriver au Portugal. Jusqu'alors, les étrangers non européens pouvaient venir sur le territoire avec un simple visa touristique, puis demander un permis de séjour après avoir décroché un emploi. Pour l'exécutif, il s'agit de mieux réglementer l'immigration pour mieux protéger les ressortissants étrangers. S'expatrier sans être certain de trouver un emploi expose davantage à la précarité. La réforme compte privilégier certaines catégories d'étrangers : les ressortissants des pays lusophones, les travailleurs très qualifiés et les étudiants.

La mesure est aussi vue comme une réponse à la forte hausse du nombre d'expatriés au Portugal : +33 % en 2023, d'après les chiffres du gouvernement. Soit 10 % de la population totale. Le « miracle économique » portugais a son revers. Les locaux manifestent régulièrement contre l'explosion des loyers et appellent à une baisse des logements touristiques. Ils dénoncent la politique mise en place par le gouvernement pour attirer les investissements étrangers.

Italie

Réforme en vue pour le « Decreto flussi »

Le mardi 4 juin, la Première ministre Georgia Meloni annonce une réforme pour lutter contre la recrudescence de réseaux criminels mafieux qui emploient clandestinement des expatriés sans papiers. La cheffe de l'État parle d'une situation « alarmante ». D'après Meloni, des employeurs véreux profiteraient des failles du système pour exiger jusqu'à 15 000 euros en échange d'un permis de travail. Si Meloni a mis en lumière cette affaire en pleine période électorale (les européennes), les pratiques sont connues depuis plus de 10 ans. Ses adversaires y ont vu une démarche électoraliste.

Quels seront les contours de la réforme ? La Première ministre n'a pour l'instant avancé aucune précision. Révisé chaque année, le système de quota de visa de travail actuel (Decreto flussi) cible les secteurs en pénurie chronique de main-d'œuvre : agriculture, tourisme, industrie lourde et soins. Si le gouvernement Meloni vante son système anti-immigration, il augmente dans la coulisse les quotas de Decreto flussi : le quota 2024 (151 000 places) dépasse celui de 2023 (136 000 places), qui dépasse de loin les niveaux juste avant Covid (environ 31 000 en 2018 et 2019).

Le manque de contrôle serait à l'origine des vices constatés. Personne ne vérifierait si l'employeur, seul demandeur du visa, se rend avec son employé au bureau d'immigration pour signer le contrat de travail (dans les 8 jours suivant l'arrivée de l'expatrié). D'après l'organisation de défense des droits des travailleurs expatriés Ero Straniero, seuls 23,5 % des visas Decreto Flussi seraient conformes à la procédure. 

Mise à jour des règles du visa nomade numérique

Lancé en 2022, le programme visa numérique de l'Italie n'est effectif que depuis mars 2024. Peu d'informations filtraient, notamment concernant les conditions d'éligibilité. En juin, le gouvernement a précisé les contours de son nouveau visa. Destiné aux talents étrangers non européens, le visa nomade numérique permet de rester jusqu'à un an en Italie. Les étrangers doivent être des professionnels qualifiés et répondre aux exigences demandées pour obtenir une carte bleue européenne. Les postulants devront être diplômés de l'enseignement supérieur, avoir au moins 3 ans de qualification professionnelle de niveau postsecondaire ou justifier de 5 ans d'expérience professionnelle.

À noter que le gouvernement annonce d'autres mises à jour importantes concernant l'immigration : les titulaires d'un permis de séjour qui résultent d'une demande de citoyenneté peuvent travailler pendant l'instruction de leur dossier. En revanche, les personnes à charge doivent demander un visa pour « raisons familiales » (visa de type D) pour tout séjour supérieur à 90 jours. Le changement est effectif depuis le 1er juin. Enfin, l'État a introduit une nouvelle procédure de demande de permis de travail en ligne réservée aux permis de travail intra-entreprise sans quota.

Bientôt un visa unique pour voyager en Afrique australe 

Les pays d'Afrique s'unissent pour attirer davantage de ressortissants étrangers. Le Botswana, l'Angola, la Zambie, la Namibie et le Zimbabwe, pays de la région « Kavango-Zambezi (KaZa) » (région transfrontalière d'Afrique australe) ont ainsi annoncé la création d'un visa commun de type « Schengen ». Les étrangers n'auront plus à effectuer une demande de visa par pays, mais pourront se rendre sur les 5 territoires avec le même visa. Le visa unique aux 5 pays est en réalité une extension d'un programme de visa unique déjà existant : « KaZa Univisa ».  Il permet aux étrangers de visiter la Zambie et le Zimbabwe sans visa. Le nouveau projet vise à étendre l'exemption de visa à l'Angola, au Botswana et à la Namibie. À terme, les 5 États envisagent d'étendre le visa unique aux 16 États de la région économique d'Afrique australe et de l'océan indien (SADC).

Émirats arabes unis : réduction des délais de traitement des permis de travail et des visas de résidence

Les EAU ont réduit de 30 à 5 jours les délais de traitement des permis de travail et des visas de résidence. L'État se félicite du succès de Work Bundle, programme en ligne conjoint à plusieurs ministères et autorités fédérales (ministère des Ressources Humaines et de l'Émiratisation, ministère de la Santé d'Abou Dhabi, l'Autorité fédérale pour l'identité, la citoyenneté, la sécurité des douanes et des ports…) pensé pour accélérer le recrutement des travailleurs étrangers et le renouvèlement des permis de travail des expatriés déjà en poste. 

La nouvelle plateforme en ligne offre des services aux entreprises et aux étrangers (formulaires de candidature simplifiés). Avant Work Bundle, les candidats à l'expatriation étaient contraints d'effectuer leurs démarches auprès de plusieurs services. La nouvelle plateforme concentre tout sur un seul site. La simplification des formalités et la suppression des doublons (les mêmes documents pouvaient être demandés dans différents services) permettent de diviser le temps de traitement. Déployée dans les 7 Émirats, Work Bundle cible quelque 600 000 entreprises et plus de 7 millions de travailleurs. Une application mobile verra prochainement le jour. À noter qu'une phase 2 du programme a été lancée en avril, uniquement à Dubaï.

« Mustaqel » : le nouveau visa du Qatar pour attirer les talents étrangers

Lancé en début juin par le ministère qatari de la Main-d'œuvre, le visa Mustaqel répond à un double objectif : attirer les talents étrangers et soutenir l'économie à l'échelle nationale et internationale. En compétition avec les Émirats arabes unis (EAU) et l'Arabie saoudite, le Qatar compte sur ce nouveau visa pour attirer les talents étrangers. Le Mustaqel cible deux catégories de professionnels étrangers : les entrepreneurs et les talents (dans les arts, le divertissement, la technologie et le sport). Les entrepreneurs devront recevoir l'approbation d'incubateurs d'entreprises basés au Qatar. Même procédure pour les talents, qui passeront par les autorités qataries compétentes. 

Les démarches de candidature sont simplifiées. Les frais sont de 5 000 riyals qataris (environ 1 370 dollars) pour le visa entrepreneur et de 4 000 riyals qataris (environ 1 096 dollars) pour le visa talents. Les frais de visa sont remboursés en cas de rejet de la demande. Le visa Mustaqel donne accès à la résidence et permet de parrainer les membres de sa famille. Il s'inscrit dans la Vision nationale Qatar 2030, qui entend renforcer la présence du pays sur la scène internationale via la mobilité internationale et la diversification de son économie. 

Australie

Les Philippins désormais éligibles au permis vacances-travail (PVT)

Bonne nouvelle pour les PVTistes philippins et australiens. À partir du 1er juillet, les ressortissants philippins pourront demander leur permis vacances-travail en Australie (working holiday visa – WHV ou visa vacances travail (PVT), sous-classe 462). Un grand nombre de ressortissants philippins travaillent en Australie. Le gouvernement en compte 320 000 en juin 2022. D'après le ministère de l'Intérieur, les Philippins représentent la 5e plus grande communauté d'expatriés dans le pays. L'accord bilatéral conclu avec les Philippines vise à renforcer les relations entre les deux pays.

Les conditions d'accès sont similaires aux règles généralement prévues pour le PVT. Pour postuler, les candidats philippins devront avoir entre 18 et 30 ans. Ils devront également fournir un diplôme d'études supérieures (niveau universitaire ou équivalent) ou avoir au moins validé 2 années d'étude postsecondaire ou de premier cycle. Le PVT sera délivré pour un an et permettra à ses détenteurs de travailler (emploi à court terme) pour financer leur voyage et de découvrir l'Australie.

Mise à jour des conditions de demande du visa de travailleur qualifié

Le gouvernement australien a acté d'autres mesures applicables à partir du 1er juillet. Ces mesures s'inscrivent dans la réforme de l'immigration présentée le 11 décembre 2023. L'État veut accueillir davantage d'étrangers qualifiés, tout en régulant les niveaux d'immigration. Un ajustement du 14 mai précise que l'État ouvrira 185 000 places pour son plan de migration 2024-2025. Le ministère de l'Intérieur a annoncé de nouvelles règles pour les visas de travail temporaire qualifié (sous-classe 457), le visa temporaire pour pénurie de main-d'œuvre qualifiée (sous-classe 482) et le visa régional sponsorisé par un employeur (sous-classe 494). 

Changement majeur : les étrangers titulaires de ces visas qui cessent de travailler avec leur employeur-parrain auront plus de temps pour en trouver un nouveau, changer de visa ou quitter le territoire. Ils bénéficieront désormais de périodes de 180 jours (soit un maximum de 365 jours), durant lesquelles ils pourront travailler dans des secteurs différents de leur précédent emploi parrainé. Mais ils ont interdiction de travailler dans des secteurs soumis à réglementation (professions réglementées). De leur côté, les entreprises ont 28 jours pour signaler au ministère de l'Intérieur le changement de situation. Le gouvernement dit vouloir mettre fin aux pratiques déloyales constatées dans le monde du travail et améliorer les conditions de travail des expatriés.

Fin du « visa hopping »

Nouveau coup dur pour les étudiants étrangers. Le gouvernement met fin au « visa hopping ». Annonce faite par un communiqué publié le 12 juin. Le programme permettait aux détenteurs d'un visa de visiteur de demander un visa étudiant. Les diplômés étrangers sont aussi visés, puisqu'ils ne pourront plus demander de visa pour approfondir leurs études en Australie. D'après les chiffres du gouvernement, le visa hopping est en nette progression avec plus de 36 000 candidatures reçues entre juillet 2023 et mai 2024. Le nombre d'étudiants étrangers ayant eu un autre visa avant leur visa étudiant a bondi de 30 % (soit 150 000 personnes) entre 2022 et 2023. Mais d'autres voix rappellent que nombre de jeunes talents étrangers viennent justement en Australie en tant que touriste pour évaluer la possibilité d'y étudier et évaluer le coût de leurs études. Un coût élevé, en progression constante depuis la crise sanitaire. La mesure du gouvernement serait donc contre-productive, puisqu'elle empêche les talents étrangers recherchés de venir visiter le pays. La mesure est aussi vivement critiquée par les entreprises. Elles y voient une menace pour l'activité économique et relèvent une absence de réelles preuves statistiques du gouvernement. Silence du ministère de l'Intérieur, qui poursuit sa politique de réduction de la migration nette. D'autres restrictions ont été actées en mars 2024, comme la réduction des droits de travail post-études ou la rédaction de l'âge limite pour postuler à certains visas. 

Nouvelles règles pour les titulaires de visas temporaires pour diplômés

La fin du visa hopping s'accompagne d'autres mesures pour empêcher les étudiants étrangers titulaires d'un visa temporaire de rester sur le territoire après l'obtention de leur diplôme. D'après le gouvernement, des étudiants prolongeraient « indéfiniment » leur séjour alors qu'ils n'auraient plus de raisons de rester. Ces règles s'inscrivent toutes dans le plan gouvernemental de baisse significative des niveaux d'immigration. À partir du 1er juillet, les étudiants titulaires de visas temporaires pour diplômés ne pourront plus entreprendre de nouvelles études à l'expiration de leur visa. Selon l'exécutif, une partie des diplômés utilisait le système pour prolonger son séjour en Australie, faute d'avoir trouvé un emploi qualifié. Les opposants dénoncent un système « hypocrite » qui passe sous silence les difficultés des étrangers diplômés pour s'insérer sur le marché du travail australien.