Les étudiants étrangers cherchent désespérément un job. Les petits boulots, pourtant essentiels pour assurer leur quotidien, se font de plus en plus rares. Mais dans les grandes destinations d'expatriation, les réformes restrictives et la crise de l'emploi pénalisent les étrangers. Comment trouver un emploi dans ce contexte ? Quels types d'emplois les étudiants étrangers peuvent-ils espérer décrocher ? Décryptage.
Les étudiants étrangers ont-ils plus de mal à trouver un job ?
Déjà durement frappés durant la crise sanitaire, les étudiants étrangers restent dans une position fragile. Les assouplissements temporaires décrétés par les grandes destinations d'expatriation (hausse du temps hebdomadaire de travail) ont été remplacés par des restrictions aux demandes de visa (limitation du regroupement familial, hausse du revenu minimum requis...). À toutes ces complications s'ajoutent celles de l'emploi. Pourtant vitaux, les jobs se font plus rares pour les étudiants étrangers. La crise de l'emploi est particulièrement perceptible dans les grandes destinations d'expatriation. Tour d'horizon.
Royaume-Uni : une note d'espoir avec le nouveau gouvernement ?
Les étudiants internationaux peuvent-ils espérer une amélioration de leur situation avec l'arrivée au pouvoir des travaillistes ? Le nouveau Premier ministre de centre gauche Keir Starmer a déjà tenu sa promesse de mettre fin au controversé « plan Rwanda ». Mais il a aussi annoncé une grande fermeté sur la question de l'immigration et compte faire baisser la migration nette. Pour les étudiants étrangers, c'est le signe que les réformes restrictives du précédent gouvernement ont peu de chances d'être abrogées.
Pour l'instant, ils subissent les effets des lois migratoires restrictives et de la conjoncture, alors que leurs salaires restent bas. L'économie britannique est pourtant sortie officiellement de la récession, et affiche même une croissance plus forte que prévu (+0,6 % au lieu de +0,4 % au premier trimestre 2024). Une croissance portée par le commerce de détail, les transports publics et la santé. Mais selon les économistes, le pays aurait perdu 2 à 3 % de PIB depuis 2016, à cause du Brexit. D'autres experts, plus alarmistes, parlent d'une chute de 6 %.
Le marché de la restauration, l'un des plus gros recruteurs d'étudiants étrangers, illustre les difficultés actuelles de la croissance britannique qui, bien qu'en progression, reste fragile. Le marché de la restauration n'a tojours pas retrouvé son niveau pré-pandémique (-2,6 % par rapport à l'avant-Covid). Le Brexit, l'inflation et les réformes migratoires restrictives l'ont privé d'une main-d'œuvre expatriée capitale pour sa croissance. Le plus difficile pour les étudiants étrangers reste de naviguer entre les règles complexes de visa. Nombre d'entre eux peuvent travailler jusqu'à 20 h/semaine durant l'année scolaire, et à plein temps pendant les vacances. Mais ils doivent également tenir compte des limites imposées par le gouvernement selon le type de petit boulot. Découragées, les entreprises préfèrent embaucher des Britanniques. C'est justement l'effet voulu par l'État.
Canada : le désenchantement des étudiants étrangers
Au Canada, les étudiants étrangers partagent leur désarroi sur les réseaux sociaux. Certains affirment chercher un petit boulot depuis près d'un an, sans succès. Il y a quelques semaines, une vidéo postée par Mohammad Nishat, expatrié indien étudiant au Canada, devient virale. On y voit une centaine d'étudiants étrangers faisant la queue pour postuler à un job dans une chaîne de café. Pour les associations étudiantes, c'est la preuve d'une profonde crise de l'emploi, qui frappe plus durement les étrangers.
Mais d'autres ne partagent pas cette analyse, à commencer par Earl Blaney, consultant sur l'immigration. Il préfère parler d'un engorgement temporaire dû à une forte hausse du nombre d'étudiants étrangers, qui s'ajoute au nombre de postulants canadiens. Blaney soutient au contraire que les entreprises favorisent les étrangers, qu'elles peuvent plus facilement garder. À contrario, les Canadiens quitteraient leur job plus rapidement (à peine quelques mois après l'embauche).
L'analyse de Blaney est cependant contredite par les étudiants étrangers, de plus en plus nombreux à témoigner de leur situation. « Ce n'est pas le Canada que j'ai connu. Il y a 8 ans, les opportunités étaient plus nombreuses », peut-on lire sur les réseaux sociaux. « Je cherche du travail depuis plus de 7 mois et je n'ai toujours rien trouvé. » Certains optent pour une décision radicale : rentrer dans leur pays où s'expatrier ailleurs. Mais la décision de rentrer ou de retenter une expatriation n'est pas sans conséquences. Les étudiants ont déjà engagé de nombreux frais pour venir au Canada. Ils ont mis à contribution leur famille, ont contracté des prêts… Ces raisons expliquent que beaucoup d'étudiants restent au Canada. Ils espèrent des mesures gouvernementales prenant davantage en compte leur situation.
États-Unis : feu vert orange pour les emplois
Aux États-Unis, le marché de l'emploi résiste bien. Si le Département du Travail relève une baisse du nombre de créations d'emploi (175 000 en avril contre 315 000 en mars), il se montre confiant. Les secteurs des transports, de la santé, du social et de la logistique sont les plus grands créateurs d'emploi. La restauration et l'industrie du fast food restent aussi une grande pourvoyeuse d'emploi, notamment de job étudiants. Mais les industriels ont freiné leurs recrutements.
D'après les chiffres officiels, l'industrie de la restauration n'a créé que 6600 emplois en avril. L'industrie de l'agroalimentaire en a créé 2100. Selon les analystes, les restaurants créèrent en moyenne 10 000 emplois mensuels cette année, contre 26 000 en 2023. C'est justement en fin 2023 que le ralentissement du marché de la restauration a commencé. Ralentissement qui se poursuit cette année et impacte directement les étudiants internationaux.
L'Association nationale de la restauration se montre néanmoins rassurante. Elle rappelle qu'elle reste le 2e employeur du pays et s'attend à un chiffre d'affaires record cette année (dépassant 1 000 milliards de dollars). Si elle concède un léger ralentissement du marché, elle affirme que les restaurants et fast-foods embauchent : 45 % d'entre eux cherchent plus de travailleurs. Une aubaine pour les étudiants étrangers ? Mais dans le même temps, 98 % des entreprises jugent le coût de la main-d'œuvre problématique. Selon eux, le coût élevé de la main-d'œuvre les rendrait moins compétitives.
Australie : les étudiants internationaux ne profitent pas de la bonne santé économique
D'après les chiffres du Bureau australien des statistiques, l'emploi net a progressé de 39 700 en mai. C'est plus que les 30 000 emplois prévus. Le taux de chômage reste faible (4 %). Il recule même de 0,1 point entre avril et mai. Beaucoup d'offres d'emploi, et peu de chômage : le marché du travail australien reste tendu, frappé par les pénuries de main-d'œuvre.
La bonne santé économique ne profite néanmoins pas toujours aux étudiants étrangers. Difficile pour eux d'accéder aux postes les plus rémunérateurs. Les étudiants internationaux dénoncent « l'hypocrisie » de l'État qui, après avoir facilité l'accès aux jobs durant la Covid, referme les portes. Les étudiants pointent ici les restrictions du gouvernement pour limiter l'immigration (fin du visa hopping, hausse des frais de visa et des exigences financières pour candidater, etc.).
Nombre d'étudiants étrangers peinent à trouver un petit boulot. Le marché du travail australien est ultra-compétitif. Si les étudiants internationaux arrivent à obtenir un emploi à temps partiel, les difficultés s'accumulent lorsqu'ils postulent pour un emploi à temps plein. Malgré leur diplôme, beaucoup disent se retrouver démunis devant les refus ou le silence des entreprises. En 2022, près d'un tiers des étudiants étrangers diplômés n'avaient pas trouvé d'emploi 6 mois après l'obtention de leur diplôme. Actuellement, 40 % des diplômés sont contraints de travailler dans des secteurs peu qualifiés (restauration, vente en libre-service, livraison, etc.).
Les types de job pour les étudiants étrangers : les salaires suivent-ils ?
Que ce soit au Canada, aux États-Unis, en Australie ou au Royaume-Uni, les types de jobs accessibles aux étudiants étrangers restent globalement les mêmes. La restauration et la grande distribution restent les premiers gros pourvoyeurs de petits boulots : serveur, plongeur, employé libre-service, réceptionniste, livreur, employé d'hôtel ou d'auberge de jeunesse, commis de cuisine, agent d'entretien… On peut trouver d'autres offres dans les services à la personne (garde d'enfant, professeur à domicile…), le gardiennage de maison (pet-sitter, gardien de maison…) ou les centres de loisirs/parcs d'attractions (animateur, traducteur, guide, etc.). Mais les salaires permettent-ils de vivre décemment sur le territoire ?
Royaume-Uni : les salaires ne suivent pas la hausse du coût de la vie
L'ancien ministre Tony Blair donne de la voix. Dans une lettre ouverte, l'ancien Premier ministre délivre ses conseils à Starmer et l'exhorte à lancer un « Plan » pour « contrôler » l'immigration. Pour Blair, c'est le meilleur moyen de museler l'extrême droite, tout en favorisant l'emploi des Britanniques. C'est d'ailleurs sur ce dernier point que l'ancien Premier ministre insiste. C'est aussi la volonté des travaillistes.
Les étudiants étrangers espèrent néanmoins que l'amélioration de la conjoncture facilitera leur embauche et améliorera leurs salaires. Selon leur secteur d'activité, ils peuvent gagner entre 10-12 livres sterling (téléconseiller, réceptionniste, gardien de maison) à 20 livres sterling par heure (serveur, tuteur…). Le salaire moyen est de 10 livres sterling par mois. Mais nombre d'étudiants peinent à faire face à la hausse constante du coût de la vie. Les salaires ne suivent pas. Il leur manque en moyenne 582 livres sterling chaque mois. Les difficultés augmentent pour les étudiants étrangers diplômés. Selon les analystes, ils sont confrontés au « pire marché économique » depuis des années, avec 30 % d'offres d'emploi en moins.
En parallèle, ils doivent également faire face à une crise immobilière qui ne faiblit pas malgré une baisse de l'inflation (l'inflation reste néanmoins élevée sur l'alimentaire). Or, la crise du logement touche particulièrement les jeunes (25-34 ans). En Angleterre, les loyers oscillent en moyenne entre 580 livres par mois (nord-est) à 1123 (sud-est). Dans le Grand Londres, ils explosent à 1 752 livres. Le loyer constitue l'un des principaux postes de dépense des étudiants internationaux. Ils doivent aussi s'acquitter des récentes hausses de frais : surcharge de la taxe de santé, visa, frais scolaires.
Canada : des salaires trop justes pour se loger
Au Canada, le taux horaire se situe à 17,36 dollars canadiens. La rémunération des étudiants évolue en fonction de leur niveau. Les doctorants (3e cycle) peuvent gagner entre 29,99 et 37,53 dollars canadiens de l'heure. Le temps de travail hebdomadaire, limité à 20 h par semaine, sera étendu à 24 h par semaine en automne. Le gouvernement dit avoir pris la mesure des difficultés des étudiants étrangers, tout en martelant l'importance de prioriser les études. L'augmentation du niveau de salaire exigé pour prétendre au permis d'études va en ce sens. Depuis le 1er janvier, il faut avoir au moins 20 635 dollars (contre 10 000 dollars auparavant) pour faire sa demande de visa. Ce doublement dit prendre en compte l'explosion du coût de la vie, notamment du coût des loyers.
De nombreux étudiants, qu'ils soient en 1er ou 3e cycle, sont néanmoins loin d'atteindre ces niveaux de salaires. Ils n'arrivent pas non plus à obtenir 20 h de travail par semaine et doivent se contenter de 10 à 12 h de travail hebdomadaire. Ils gagnent en moyenne 1300 dollars canadiens mensuels (taux horaire de 17,36 dollars canadiens ; travail 20 h/semaine). Or, le loyer moyen a bondi à 2200 dollars. La hausse est plus importante chez les logements réservés à la location (+13,7 %). Aucune province n'est épargnée par ces hausses. La Saskatchewan enregistre la plus forte augmentation (+21,4 %). Le revenu des étudiants est très vite englouti dans le logement. Ceux qui ne travaillent que 10 h par semaine sont encore plus touchés. Impossible pour eux de supporter les loyers exorbitants. Les autres dépenses (alimentation, fournitures scolaires, vêtements…) creusent encore des budgets déjà dévorés par le logement.
États-Unis : valse des salaires, hausse du coût de la vie
Tout dépend de l'État de résidence de l'étudiant étranger. Le salaire minimum peut varier du simple au double. Au Texas, en Oklahoma, en Louisiane ou au Kansas, il se situe à 7,25 dollars de l'heure. Mais il dépasse les 10 dollars de l'heure dans les États les plus prisés par les expatriés : 12 dollars/h en Floride, 15 dollars/h à New York, 15,50 dollars/h en Californie, 17 dollars/h à Washington DC. Mais aux États-Unis, priorité à l'emploi des citoyens américains. Les étudiants étrangers sont également contraints par le système de visa : seuls les détenteurs du visa F-1 ou M-1 peuvent travailler sur leur campus (emploi dans les cafés, à la bibliothèque, etc.) ou dans des secteurs spécifiques. Mais ils ne pourront travailler hors du campus qu'après leur première année.
Mais aux États-Unis, la hausse des prix de l'immobilier entretient l'inflation, qui entretient des coûts de la vie élevés. Les prix flambent dans les grandes villes américaines. Rien qu'à New York, il faut au moins gagner 100 000 dollars annuels pour pouvoir se loger, se déplacer et se nourrir. Le loyer moyen d'un appartement d'une chambre à New York dépasse les 3700 dollars mensuels. Les loyers bondissent aussi à Boston, qui se rapproche de New York (3300 dollars). À Washington DC, il dépasse les 2200 dollars. Les loyers sont moins chers à Los Angeles (2100 dollars), Miami (2058 dollars) et Atlanta (1550 dollars). Le coût de la vie flambe sur les côtes est et ouest. La Californie et le Massachusetts sont dans le rouge. Seule Hawaii les dépasse. Le coût de la vie reste plus raisonnable dans les régions du centre (Texas, Oklahoma, Kansas…).
Australie : hausse du salaire minimum, hausse des loyers
Les étudiants australiens tirent la sonnette d'alarme. Ils doivent faire face à la hausse de leurs frais et à la hausse du coût de la vie. Depuis le 1er juillet, le prix du visa étudiant a bondi à 1600 dollars australiens, contre 170 dollars australiens auparavant. Le gouvernement inscrit sa mesure dans son plan de rationalisation de l'immigration et dit vouloir redonner son « intégrité » à l'éducation. Les étudiants peuvent toujours travailler à temps partiel durant leurs études et à temps plein pendant les vacances scolaires.
Bonne nouvelle pour les étudiants étrangers : le salaire minimum a augmenté depuis le 1er juillet. Les étudiants peuvent désormais toucher 24,10 dollars canadiens par heure. C'est plus que les salaires minimums d'autres grands pays d'expatriation. Mais l'inflation pèse toujours sur les finances, notamment sur les loyers. Le pays s'attend à une hausse de 7 à 10 % cette année. Sans surprise, la hausse est plus importante dans les grandes villes. Il faut compter en moyenne 745 dollars canadiens à Sydney, 650 à Canberra, 630 à Perth et à Brisbane.
Travailler en tant qu'étudiant étranger
Les étudiants étrangers font face à de nombreux défis. Ils doivent composer avec des réformes migratoires restrictives, et satisfaire aux nouvelles exigences des États. États qui affichent toujours leur volonté de recruter des talents étrangers. Mais pour quels postes ? En Australie ou au Canada, des voix s'élèvent pour dénoncer le plafond de verre qui empêche les étudiants étrangers d'accéder à des postes en rapport avec leurs diplômes. Coincés dans des jobs peu rémunérateurs, il leur est difficile de présenter un CV attractif.
Au Royaume-Uni, le triomphe des travaillistes ne fait pas oublier la percée historique de l'extrême droite, qui entend peser sur le débat politique. Cette percée s'inscrit d'ailleurs dans une progression de l'extrême droite en Europe et une montée des plans conservateurs sur la question de l'immigration. Reste à évaluer l'impact des différentes réformes migratoires sur la présence des étudiants étrangers dans les grands pays d'expatriation.