Expatriation et crise professionnelle : comment reprendre le contrôle ?

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Écris par Asaël Häzaq le 30 juillet, 2024
Le sujet est peu abordé en expatriation. Pourtant, le ras-le-bol au travail touche aussi les expatriés. Besoin de changer de carrière, sentiment de stagnation, mal-être au bureau… Que faire lorsqu'on se rend compte que le travail qu'on exerce n'est pas fait pour nous ? Que faut-il prendre en compte avant de changer de projet d'expatriation ?

Bien identifier les causes du ras-le-bol

Avant de poser votre démission et de boucler votre valise, prenez le temps de bien identifier les causes de votre lassitude. Car derrière l'ennui au bureau peuvent se cacher des causes qui n'ont rien à voir avec le travail.

Le ras-le-bol au travail ne signifie pas forcément que vous n'aimez plus votre travail. Une expatriation compliquée rend souvent le quotidien plus difficile. Ces difficultés infiltrent votre sphère professionnelle et peuvent vous démotiver. Le mal-être au travail peut venir d'un sentiment de solitude : la famille et les amis restés au pays vous manquent, vous n'arrivez pas à nouer des amitiés solides dans le pays d'expatriation, vous n'arrivez pas à trouver vos marques dans la ville d'accueil, etc. Parfois, ce sont les aléas de la vie qui rendent le travail moins passionnant. Par exemple, vous vivez peut-être une rupture amoureuse ou amicale compliquée et n'avez plus le cœur à vous concentrer sur votre travail.

Bien sûr, le travail à l'étranger peut être la racine du mal-être. Là encore, l'ennui peut venir de différentes sources : impression de stagner au travail, missions peu gratifiantes ou démotivantes, désaccords avec la hiérarchie, avec l'organisation du travail et/ou la culture de l'entreprise étrangère, relations conflictuelles avec les collègues, etc.

Les questions à se poser

Pour bien identifier les causes du ras-le-bol, posez-vous les bonnes questions :

  • Pour quelle(s) raison(s) vous êtes-vous expatrié ? Etait-ce une expatriation professionnelle (pour exercer votre métier actuel) ou était-ce pour d'autres motifs (suivre le partenaire expat, apprendre une langue, se mettre au défi, etc.) ?
  • Quel était votre projet d'expatriation initial ? votre projet professionnel initial ?
  • Depuis quand le travail est-il source d'ennui ? La situation dure-t-elle depuis longtemps ?
  • D'où vient le ras-le-bol : de vos missions ? de votre métier ? de l'ambiance au travail ?
  • Avez-vous de bonnes relations avec vos collègues ? Vos supérieurs ?
  • Comment se sont passés vos premiers mois d'expatriation ? Qu'en est-il aujourd'hui ?
  • Le métier que vous exercez à l'étranger est-il un métier-passion ? Avez-vous pris ce poste « par défaut », pour gagner de l'argent dans la perspective de réaliser votre projet professionnel ?
  • Votre pays d'expatriation est-il éloigné de votre pays d'origine ?
  • Vous est-il facile de rentrer voir vos proches ?
  • Votre ennui au travail ne cacherait-il pas un burn-out ?
  • Ras-le-bol au travail : les pistes de réflexion

Répondre à ces questions vous donne de bonnes pistes pour orienter votre réflexion. Le travail exercé à l'étranger était-il fait pour nous ? Faudra-t-il changer de vocation ? de secteur professionnel ? de ville d'expatriation ?

S'entretenir avec son employeur étranger

Avant de prendre une décision qui peut être lourde de conséquences, libérez la parole. Si le problème vient du travail, une solution pourrait être envisagée avec votre employeur. D'ailleurs, comment perçoit-il votre travail ? Sent-il une baisse de motivation ou d'implication ? Des ajustements sont-ils possibles (changement de poste, nouvelles missions, etc.) Bien entendu, cette solution sera plus difficile à mettre en œuvre si votre employeur est la source de la crispation au travail...

Effectuer un bilan de compétences

Perdu dans votre quotidien de travailleur expatrié ? Pour identifier la solution la plus adaptée à votre cas (changement de métier, de secteur d'activité, création d'entreprise, formation…), pensez au bilan de compétences. Renseignez-vous sur la loi appliquée dans votre pays d'expatriation. L'entreprise finance-t-elle le bilan de compétences ? Quelle est la procédure pour entamer un bilan ?

Changer de poste

C'est une solution à envisager si vous sentez que le problème se concentre sur vos missions. Vous restez dans le même secteur professionnel, voire la même entreprise, mais occupez d'autres fonctions. Ce changement amènera un nouveau souffle dans votre expatriation professionnelle.

Changer d'entreprise

Les problèmes au travail sont-ils plutôt un problème d'entreprise ? Des relations conflictuelles avec la direction/les collègues peuvent être source de stress. Difficile de garder sa motivation quand chaque jour est un nouveau jour de conflit. Même constat en cas d'organisation du travail, de rythme de travail et/ou de culture du travail à laquelle vous n'adhérez plus.

Changer de ville d'expatriation

Et si l'ennui au travail venait plutôt de votre ville d'expatriation ? Vous n'avez peut-être jamais voulu vivre dans cette ville, mais l'avez supportée à cause du travail. Mais le travail n'a pas suffi à vous réconcilier avec la ville. Le désamour a pu aussi venir après plusieurs mois ou années d'expatriation. Changer de ville peut être un moyen de donner un nouveau souffle à votre expatriation. Reste la question du travail. Aucun problème si vous déménagez dans une ville qui reste accessible. La question se pose en revanche en cas de déménagement à l'autre bout de la région. Un télétravail à 100 % est-il envisageable ?

Changer de métier

Changement de poste, de missions, de bureau… Vous avez essayé toutes les possibilités pour retrouver la motivation au travail, en vain. Lorsque c'est le métier en lui-même qui devient source d'ennui, se pose la question de la vocation. Et si votre travail n'était pas fait ou plus fait pour vous ? Que vous exerciez votre nouveau métier dans votre pays d'expatriation ou ailleurs (dans votre pays d'origine ou un autre pays), le changement sera un nouveau départ, une nouvelle source de motivation.

Envisager une formation professionnelle

Que vous décidiez ou non de changer de métier, pensez à la formation professionnelle. Elle peut concerner votre secteur d'activité ou un tout autre domaine. Profitez-en pour reprendre votre projet d'expatriation : Quel était le métier de vos rêves ? L'exercez-vous actuellement ? Rêvez-vous d'une autre profession ou d'une autre façon d'exercer votre métier ? Comme pour le bilan de compétences, vérifiez si votre entreprise prend en charge tout ou partie de la formation.

Rentrer temporairement dans son pays

Recharger ses batteries, revoir ses proches, faire le point sur son expatriation… Une coupure temporaire avec votre travail vous aidera à y voir plus clair. Comment vos proches voient-ils votre situation ? Constatent-ils votre baisse de moral ? Outre la joie de revoir vos proches, ce retour chez vous vous procure-t-il un sentiment de bien-être ? Profitez de cette pause chez vous pour imaginer un autre tournant à votre carrière professionnelle. Il est peut-être temps de revenir au pays, de changer de métier, et/ou de vous expatrier dans un autre pays.

S'expatrier dans un autre pays

Quand le désamour du métier est lié au pays d'expatriation, en changer peut-être une solution. S'expatrier à nouveau est un bon moyen de retrouver une dynamique. Vous repartez certes dans des démarches administratives potentiellement longues et complexes, mais sentez votre motivation revenir à mesure que vous plongez dans ce nouveau projet.

Et si le ras-le-bol au travail cachait un burn-out ?

Attention à l'épuisement professionnel. C'est l'un des premiers éléments à étudier dès que vous sentez les premiers signes d'ennui au travail. Bien entendu, un ennui passager est naturel. Il y a toujours des jours avec et des jours sans. Ces phases n'ont cependant rien à voir avec un mal-être persistant. Lorsque l'ennui au travail devient quotidien, n'hésitez pas à consulter un médecin. Rapprochez-vous de personnes de confiance dans votre pays d'expatriation. Le « blues de l'expatrié » est une réalité dont on parle encore peu. Il s'agit bien d'une dépression (les symptômes sont similaires) liée à l'expatriation. Les symptômes peuvent apparaître avant le départ à l'étranger ou surgir durant le nouveau quotidien dans le pays d'accueil.

Burn-out, bore-out ou brown-out ?

Le burn-out est une dépression. Sa particularité est d'être liée à l'environnement professionnel. On l'appelle également « épuisement professionnel » ou « surmenage professionnel ». Le burn-out peut survenir à cause d'un surinvestissement professionnel, d'une surcharge de travail, de pressions accrues au travail, de mauvaises conditions de travail, etc.

Le bore-out se caractérise par un ennui chronique au travail. L'épuisement vient parce que l'expatrié ne ressent plus aucune motivation à s'ennuyer. Il n'est pas surchargé de travail, au contraire. Il peut, par exemple, se sentir délaissé par l'entreprise, mis au placard, sous-employé, et n'a plus le cœur à s'investir au travail.

Le brown-out remet en question le sens même du travail. L'expatrié perd ses repères et se demande quel est son rôle dans l'entreprise. Il n'a plus d'intérêt pour son travail parce qu'il sent que l'employeur n'a plus d'intérêt pour lui. L'expat se remet en question, mais au sens négatif du terme : il doute de ses capacités, de sa légitimité dans l'entreprise. Il peut même remettre en question son projet d'expatriation.

Comment s'en sortir ?

Si le brown-out et le bore-out ne sont pas des dépressions, ils peuvent conduire à une dépression. Un travailleur étranger mis au placard par son entreprise perd ses repères. Il peut se sentir encore plus vulnérable en raison de son statut : étranger, potentiellement lié à son employeur par son permis de travail, etc. Un médecin du travail est-il présent dans l'entreprise ? Quels moyens l'employeur a-t-il mis en œuvre pour garantir le bien-être de ses salariés ? La santé mentale est-elle prise en compte dans votre entreprise ?

Il serait dangereux de prendre une décision radicale (démissionner, changer de ville, de pays, etc.) sans comprendre les causes de votre mal-être. Si votre ras-le-bol au travail cache un burn-out, changer d'orientation professionnelle sans prise en charge médicale risque de ne pas résoudre le problème. Il faut tout d'abord soigner la maladie, d'où l'importance de consulter un médecin. Même conseil si vous traversez une phase de brown-out ou de bore-out. Le changement de cadre professionnel pourra effectivement faire partie du traitement, mais seulement après consultation avec un médecin.

Expatriation et ras-le-bol au travail : ce qu'il faut prendre en compte

Tout quitter sur un coup de tête pour recommencer un projet d'expatriation ? L'idée est tentante, mais trop risquée. Avant de tout plaquer, assurez vos arrières, et surtout, donnez-vous le temps de la réflexion.

Vérifiez la législation du pays d'accueil en matière d'indemnisation chômage

Pensez-vous à changer de travail ? Vérifiez d'abord les dispositions de votre contrat de travail et la législation de votre pays d'accueil. Une assurance chômage existe-t-elle dans le pays étranger ? Quelles sont les conditions pour y accéder ? Quelles conséquences en cas de démission ? Beaucoup de pays n'offrent aucune indemnisation en cas de démission. Soyez bien sûr de votre choix avant de prendre une décision.

Que se passe-t-il pour le visa/permis de travail en cas de démission ?

Tout dépend de votre visa/permis de travail. Il existe des visas de travail liés au droit de séjour. Dans ce cas, une démission entraîne l'annulation du permis de séjour. Si la famille a été sponsorisée par votre visa, elle perdra également son droit de séjour. Même si votre visa de travail n'est pas lié à votre permis de séjour, renseignez-vous sur les conséquences d'une démission. Beaucoup de pays délivrent une allocation chômage pour une perte d'emploi involontaire (licenciement, fin de contrat), mais pas pour une démission. Pour éviter la démission, essayez d'envisager un autre moyen de quitter l'entreprise, en accord avec l'employeur (rupture conventionnelle).

Prenez en compte le facteur temps

Essayez de calculer le meilleur moment pour envisager votre nouveau projet professionnel. S'il s'agit d'une nouvelle expatriation, vérifiez combien de temps pourraient prendre les formalités administratives. Prenez aussi le pouls du futur pays d'accueil : une réforme de l'immigration a-t-elle été votée ou est-elle en cours ? Il ne s'agit pas de rogner sur ses rêves, mais plutôt de mettre toutes les chances de son côté pour qu'ils se réalisent.

Testez et avancez progressivement

« Tout plaquer » ne vous oblige pas à démissionner, quitter votre appartement et embarquer pour un nouveau pays en 24 h. Avant d'opter pour une décision radicale, testez différentes options en fonction de votre situation (bilan de compétences, formation, changement de poste, etc.). C'est l'un des meilleurs moyens pour identifier la racine du mal et envisager la meilleure solution. Ne voyez pas cette approche comme du temps perdu, mais comme une sécurité. Bien entendu, si vous vous rendez compte que le métier que vous exercez à l'étranger n'est pas fait pour vous, inutile d'essayer un aménagement de poste.