Démission en expatriation : comment s'y prendre ?

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Écrit par Asaël Häzaq le 20 août, 2024
Les scènes de salariés quittant leur travail sur un coup de tête sont bonnes pour les fictions. Dans la réalité, il vaut mieux bien réfléchir avant de claquer la porte de son entreprise à l'étranger. Car les lois changent d'un pays à l'autre et le statut de l'expatrié peut vite devenir précaire, surtout s'il détient un permis de travail temporaire. Contrat, visa, indemnités chômage… tour d'horizon des vérifications à faire pour quitter son travail en toute sécurité.

S'agit-il d'une démission ou d'une fin de contrat ?

Dans quel cadre quittez-vous votre travail à l'étranger ? S'agit-il d'une démission, d'une fin de contrat à durée déterminée (CDD), indéterminée (CDI), ou d'une fin de mission (travail temporaire) ? En effet, les lois diffèrent, non seulement selon les États, mais aussi selon les types de contrats. Or, on se renseigne souvent sur ce sujet lorsqu'on est soi-même sur le point de quitter son travail. En début de contrat, rares sont les salariés à déjà envisager leur départ de l'entreprise. Le contrat de travail est souvent signé sans avoir été lu et/ou compris. Ceci est d'autant plus vrai s'il est rédigé dans une langue que maîtrise mal l'expatrié (ou avec un jargon juridique difficile à comprendre).

Il faut pourtant se pencher sur le cadre dans lequel s'effectue le départ, pour ne pas perdre de droits. Par exemple, de nombreux pays ne versent aucune indemnité chômage en cas de démission. Certains États prévoient néanmoins des cas où le travailleur pourrait toucher une allocation chômage. Ainsi, le Canada définit plusieurs cas de « départs volontaires ». L'un d'eux précise que si le travailleur peut prouver que le départ volontaire était sa seule option « compte tenu des circonstances », il pourrait toucher son indemnité chômage. Le droit français (expliqué plus loin) introduit également des cas de démissions légitimes. Le droit belge précise que le travailleur qui souhaite démissionner doit respecter un préavis en fonction de son ancienneté dans l'entreprise.

Vérifiez les clauses de votre contrat

Sous quel « statut » êtes-vous parti ? Avez-vous signé un contrat d'expatriation qui prépare votre retour dans votre entreprise d'origine ? Avez-vous directement signé votre contrat avec l'entreprise locale ? Si vous êtes un expatrié au sens strict (vous avez signé un contrat d'expatriation), vous avez certainement négocié avec votre employeur les conditions de votre retour dans l'entreprise. Le contrat d'expatriation comporte différentes clauses, notamment des instructions qui préparent votre retour d'expatriation. Ainsi, en quittant votre emploi à l'étranger, vous êtes sûr de retrouver votre poste (ou un poste équivalent, selon les dispositions de votre contrat), dans votre pays d'origine.

Si vous avez trouvé directement un emploi à l'étranger, vérifiez les clauses de votre contrat de travail. Car chaque pays a ses propres normes concernant le contrat de travail, les droits et devoirs du travailleur, de l'employeur, et la protection du travailleur. Au Royaume-Uni, le contrat de travail n'est pas une obligation. Par contre, l'employeur doit délivrer un « written statement of employment particulars ». Le document, en deux parties, fixe les modalités du travail (première partie, transmise le jour de l'embauche) et les modalités du régime de retraite, éventuelles sanctions disciplinaires, etc. (seconde partie, qui peut être transmise deux mois après l'embauche). Le contrat zéro heure pose souvent problème aux expatriés. Très utilisé, notamment dans la restauration, l'hôtellerie, ou la livraison, ce contrat donne à l'employeur la liberté de donner ou non du travail à son salarié. Il est libre de l'appeler pour une mission, selon ses besoins. Le salarié est également libre de refuser une mission s'il travaille pour d'autres employeurs. Mais les expatriés méconnaissent souvent leurs droits. Certains contrats zéro heure introduisent une clause empêchant le salarié de quitter son emploi ou d'accepter un autre job. Ces clauses sont contraires à la loi.

Votre permis de travail vous permet-il de quitter votre emploi sans risque ?

Les vagues de licenciements dans la Tech ont fait découvrir à de nombreux expatriés aux États-Unis les importantes limites du visa H-1B. Très populaire, surtout dans le milieu des nouvelles technologies, ce visa est attaché à l'employeur. En cas de rupture de contrat, l'expatrié n'a qu'un temps limité pour retrouver un travail, au risque de devoir quitter le pays. Certes, l'administration américaine a réformé le visa, notamment pour améliorer son fonctionnement et éviter les abus de certaines entreprises. Néanmoins, l'exemple du visa H-1B illustre la difficulté que peuvent rentrer les expatriés qui quittent leur emploi.

La question du permis de travail est essentielle. Votre permis est-il attaché à votre employeur ? Dans ce cas, un départ de l'entreprise remettra en cause la validité de votre visa. Dans ce cas, vous devrez retrouver un travail dans le même secteur, dans une durée limitée, au risque de devoir quitter le pays. De nombreuses associations de défense des travailleurs étrangers s'opposent justement au permis de travail assujetti à l'entreprise, considéré comme plus précaire pour le travailleur étranger. Au Japon, l'affaire des « stagiaires techniques » a contraint le gouvernement japonais à agir. Les cas d'abus se multipliaient, avec des expatriés empêchés de quitter leur emploi, sous-payés, victimes de discriminations, etc. Le gouvernement japonais a mis fin au programme des stagiaires techniques et promet un nouveau programme plus protecteur envers les travailleurs étrangers.

Connaître les droits liés à votre permis de travail est essentiel pour organiser votre départ de l'entreprise dans les meilleures conditions (en respectant le préavis, par exemple). En cas de conflit avec l'employeur, vous serez plus en mesure de faire valoir vos droits.

Le cas des Français de l'étranger

Le salarié français est libre de négocier les clauses de son avenant d'expatriation avec l'employeur, notamment la réintégration dans l'entreprise à l'issue de sa mission à l'étranger. Il n'est pas tenu de signer son contrat sur le champ. Si le contrat initial incluait une clause de mobilité, celle-ci doit obligatoirement être précise, sous peine de nullité. L'employeur est tenu d'informer le futur expatrié, surtout en cas de départ à l'étranger. D'autres clauses sont considérées comme nulles, comme celle refusant le droit au travailleur en contrat d'expatriation de bénéficier des primes d'intéressement et de participation.

Droits ouverts à l'assurance chômage

La législation française distingue deux cas :

  • le cas du salarié expatrié dans l'Espace économique européen (EEE) ou la Suisse
  • le cas de l'expatrié hors Europe.

Les expatriés quittant leur travail dans l'EEE ou la Suisse ont en principe droit à l'allocation chômage. Mais leurs droits varient selon qu'ils sont déjà indemnisés dans le pays d'accueil avant de revenir en France, ou qu'ils reviennent en France sans avoir été indemnisés. Les travailleurs indemnisés doivent fournir un formulaire intitulé « U2 » à France Travail, l'institut national de recherche d'emploi et d'indemnisation. Les travailleurs non indemnisés à l'étranger fourniront le formulaire « U1 ». Ces formulaires sont à obtenir auprès des organismes du pays d'expatriation. Ils ne sont pas disponibles en ligne. D'où l'importance de bien se renseigner avant de quitter le pays d'expatriation.

Les expatriés hors Europe doivent s'inscrire à France Travail dans les 12 mois qui suivent la perte de l'activité. Les conditions de l'indemnisation varient en fonction de la situation de l'expatrié.

Dans tous les cas, le travailleur devra être inscrit à France Travail pour toucher son allocation chômage. Attention au motif de la fin de contrat de travail. Une indemnisation n'est en principe pas possible en cas de démission, sauf en cas de démission légitime. Une démission pour suivre son conjoint en expatriation est un motif légitime.

Épargne salariale et bulletins de paie

Le salarié en expatriation sans rupture de contrat avec l'entreprise mère continue de faire partie des effectifs de ladite entreprise. En cas de fin de contrat avec la filiale étrangère, il est en droit de percevoir l'épargne salariale : primes d'intéressement et de participation versées aux salariés de l'entreprise (application de l'article L.3342-1 du Code du travail). Le travailleur expatrié ne peut donc être exclu de l'épargne salariale. Il est également en droit de recevoir son bulletin de salaire pour toute rémunération reçue de l'entreprise mère alors qu'il se trouvait encore en expatriation. Sa non-affiliation au système de sécurité sociale (le travailleur expatrié dépend du régime du pays d'accueil) n'entre pas en compte dans l'application de ce droit.

Prise en compte du temps d'expatriation dans le calcul de la retraite

Le système diffère selon que l'expatrié a travaillé ou non dans un pays de l'Union européenne (UE). Pour faciliter le versement des retraites de leurs ressortissants, les pays de l'UE coordonnent leurs régimes. Cette coordination s'étend à l'Espace économique européen (EEE) et avec la Suisse. Elle permet une prise en compte de la période de travail dans le pays d'expatriation comme si cette période avait été travaillée en France.

En cas de période d'activité en dehors de l'UE, l'EEE et la Suisse, il convient de vérifier que le pays d'expatriation a signé une convention bilatérale de sécurité sociale avec la France. La convention bilatérale garantit la prise en compte des périodes d'activité dans le pays d'expatriation pour le calcul de la retraite française.

Avant l'expatriation, le salarié veillera à vérifier si le pays d'expatriation entre dans les accords européens ou bilatéraux. En l'absence d'accord, les périodes travaillées à l'étranger ne seront pas comptabilisées pour le calcul de la retraite. Attention : certains pays exigent la présence physique du bénéficiaire pour le paiement de la retraite. Il sera impossible de la percevoir si l'on ne vit pas dans le pays.

Quand quitter son emploi à l'étranger devient la seule solution

Personne ne décide de quitter son emploi sur un coup de tête. C'est encore plus vrai en expatriation, où le permis de travail est souvent difficile à obtenir. Plusieurs situations peuvent expliquer votre départ de l'entreprise. Bien entendu, les cas d'abus de l'employeur sont entendus comme des motifs de démission légitime. Les autres cas de départs volontaires entendus par la législation de votre pays d'accueil peuvent vous permettre de conserver vos droits.

D'autres situations peuvent expliquer que vous souhaitiez quitter votre emploi. Envie de reconversion professionnelle, d'évolution de carrière (que l'entreprise étrangère ne vous offre pas), déménagement dans autre ville ou un autre pays d'expatriation… Ici, la première question à vous poser est celle du temps : devez-vous démissionner ou pouvez-vous attendre la fin de votre contrat pour toucher vos éventuelles indemnités (chômage, indemnités de départ…) ? Pesez le pour et le contre afin de faire le meilleur choix. Quitter son emploi à l'étranger peut ajouter un « stress » supplémentaire. Pour partir en toute sécurité, renseignez-vous auprès des centres de l'emploi et des associations de votre pays d'accueil.