Que vous soyez nouvellement embauché ou plus ancien dans l'entreprise étrangère, personne ne vous reprochera de vouloir faire vos preuves. Cela montre votre sens de l'adaptation et du challenge. Mais lorsque cette volonté glisse vers une quête de perfectionnisme, il faut tirer la sonnette d'alarme.
Être toujours au top au travail : une nécessité pour le travailleur expatrié ?
À première vue, personne ne vous reprochera de toujours être « au top ». Au contraire : le monde du travail valorise toujours le dépassement de soi. C'est notamment vrai en expatriation, où vos compétences sont scrutées à la loupe, notamment en début de contrat. Cette pression peut être objective ou non. Votre employeur étranger et/ou vos collègues vous mettent la pression, et vous vous sentez obligé de vite répondre à leurs attentes. Mais il arrive aussi que vous vous mettiez la pression pour faire rapidement vos preuves et réussir votre période d'essai. Vous estimez ne pas avoir le droit à l'erreur et acceptez l'impossible pour prouver votre valeur.
Concrètement, vous devenez celui qui commence le plus tôt et finit le plus tard. Vous achevez vos missions « à la perfection », rendez des rapports « toujours parfaits » et, cerise sur le gâteau, avez un comportement irréprochable avec vos collègues. Vous maîtrisez déjà la langue et vous fondez dans votre pays d'accueil. Comment ne pas pérenniser votre contrat ? Vous avez toutes les qualités de l'employé modèle. L'expatrié au top en début de contrat ne subit pas les aspects négatifs du perfectionniste. C'est tout le contraire. Il est ultra compétent, sociable et efficace. La pression qu'il s'impose ou qu'on lui impose le pousse à donner le meilleur de lui-même, jusqu'à obtenir ce qu'il cherche : la confirmation du contrat. Mais attention à la chute d'adrénaline.
Expatrié toujours « au top » : gare au surmenage
On peut distinguer deux cas. Le premier met en scène votre employeur étranger, qui « vous met la pression ». Ici, vous n'avez pas le choix. Cette situation n'est pas circonscrite à la période d'essai, mais risque de durer même après plusieurs années dans l'entreprise. Un glissement vers des formes de harcèlement au travail n'est pas à exclure. Dans ce cas, il convient de tout de suite faire le point avec votre entreprise. Car les conséquences seront négatives, tant au niveau de votre productivité qu'au niveau de votre santé.
Le deuxième cas peut être géré plus « aisément » puisque c'est vous qui vous mettez, à tort ou à raison, la pression. Chercher un poste stable à l'étranger est une bonne raison pour « être au top ». Mais gare au surmenage. Ce dépassement de soi doit se limiter à une période. Car en tirant trop sur la corde, vous risquez de perdre le bénéfice (l'adrénaline) pour ne garder que les inconvénients (démotivation, perte de confiance en soi, procrastination, irritabilité…). Conséquences qui peuvent perdurer. Voici donc 5 bonnes raisons pour ne surtout pas être « toujours au top » au travail.
Vous perdez votre temps
Vous revenez 2 000 fois sur un graphique, rendez vos dossiers en retard, mais « parfaits ». Loin d'être l'expatrié modèle, vous perdez du temps et en faites perdre aux autres. Si vous exercez un métier à risque, votre quête de la perfection peut être dangereuse pour les autres. Ne confondez pas travail de recherche et travail jamais terminé. On comprendra que vous passiez du temps à effectuer des recherches fouillées. On comprendra moins que vous ne fassiez que ça. Si l'entreprise étrangère vous a embauché, c'est qu'elle croit déjà en vous.
Vous devenez lourd et exigeant
Exigeant envers vous-même, vous avez la même exigence envers vos collègues locaux et étrangers. Vous pouvez même avoir tendance à taxer de « laxistes » vos collègues étrangers qui piétinent dans leurs missions à cause des différences culturelles (langue, culture d'entreprise en cours d'apprentissage). Loin d'augmenter la productivité de votre entreprise, votre perfectionnisme plombe l'ambiance. On vous trouve lourd, trop intransigeant et fermé d'esprit. Le cocktail parfait pour freiner votre carrière à l'étranger.
Vous n'arrivez plus à déléguer
Convaincu que le travail ne peut être bien fait que par vous, vous prenez toute la charge (ce qui vous retarde encore plus…). Vous ne faites plus confiance à vos collègues. Votre comportement exacerbe les conflits entre travailleurs locaux et étrangers. Vous donnez d'ailleurs une bien mauvaise image des expats (ils n'ont vraiment pas besoin de ça).
Vous procrastinez au lieu de travailler
Cela paraît contradictoire, mais l'expat perfectionniste peut être un grand procrastinateur. La raison est simple : devant la montagne de tâches à fignoler, vous ne savez par où commencer. Dans votre tête, tout n'est qu'urgence. Vous pouvez aussi ressentir une peur panique à l'idée de rater votre mission. Pris dans un cercle vicieux, vous ne commencez rien par peur d'être mal vu par les collègues locaux et étrangers. Mais faute de dialogue, ils risquent justement de confondre votre manque de confiance en vous avec du laxisme…
Vous perdez confiance en vous
Fraîchement expatrié, vous vous demandez encore pourquoi l'entreprise vous a choisi. Les autres expats et les locaux travaillent mieux que vous. Votre perfectionnisme est la seule manière de vous démarquer. Mais si la minutie est une valeur appréciée dans l'entreprise, le perfectionnisme, et surtout ses dérives, l'est beaucoup moins.
Expatriation : comment arrêter de courir après la perfection ?
Être parfait est impossible. Tout le monde le sait. Pourtant, le monde ne cesse de courir après la perfection. Aujourd'hui, il faut être « au top » partout : au sport, dans la famille, au travail… Les conséquences ne sont pas toujours négatives, et peuvent aller avec un dépassement de soi positif. On repousse ses limites… dans la limite du raisonnable. Mais la pression sociale voudrait faire croire qu'il n'y a plus de limites, que la perfection est une norme. C'est notamment le cas en expatriation. Le travailleur étranger peut se sentir scruté, comparé à ses collègues…
La perfection, défaut ou qualité ?
Certains expats vous diront qu'être perfectionniste les motive. En entretien d'embauche, ils connaissent tout de l'entreprise étrangère, de la culture, de la langue. Ils ont déjà adopté le look local et sont capables de citer leur plat préféré (qu'ils n'ont encore jamais mangé). Pour eux, perfectionnisme est synonyme de dépassement de soi, de dynamisme, de persévérance et de détermination. Si vous êtes de cette trempe et que vous arrivez à gérer votre carrière à l'étranger tout en développant l'esprit d'équipe, la prise de recul et l'apprentissage permanent, continuez sur votre lancée. Vous avez la quête de perfection « positive » : celle qui ne rend pas malade, mais donne de l'adrénaline.
Mais dans les autres cas, la quête de perfection est négative, pour vous comme pour l'entreprise. Vous peaufinez tellement votre tâche que vous n'avez pas le temps de vous concentrer sur autre chose. Il vous arrive aussi d'embrasser plusieurs projets pour les « fignoler » sans parvenir à en boucler un seul… Au final, vous vous dites toujours débordé (car mal organisé) et perdez votre motivation.
Les clés pour lâcher le costume du « super expatrié »
Difficile d'être 100 % dès le début de votre expatriation. La volonté de transformer la période d'essai en contrat stable peut temporairement vous booster. Mais l'inverse est aussi vrai. N'essayez pas de vous surpasser lorsque vous donnez déjà le meilleur de vous-mêmes. N'oubliez pas que vous venez d'arriver dans un nouveau pays. Vous avez tout à apprendre. Cette base doit être claire pour vous comme pour l'employeur étranger. Bien sûr, vous avez les compétences techniques. Mais le changement de décor nécessite un nouveau décodeur et une mise à jour (culture du pays étranger, culture d'entreprise) pour que vos compétences se déploient pleinement.
Apprenez le plaisir d'apprendre
L'une des clés est donc tout d'abord de se sortir du schéma selon lequel l'expat doit carburer dès son embauche. En vérité, l'expat doit aimer apprendre et ne pas hésiter à se remettre en question. C'est le premier moyen de contrer la quête de perfection.
Intégrez-vous dans le groupe
L'autre clé, qui découle de la première, est l'intégration dans le groupe. L'entreprise étrangère vous a embauché pour vos compétences techniques et sociales. Vous évoluez au sein d'un collectif et devez apprendre à penser collectif. L'esprit d'équipe est une valeur forte, sans cesse mise au défi de coexister dans un monde de plus en plus individualiste.
Acceptez de lâcher prise
La quête incessante de perfectionnisme a des répercussions réelles sur la santé. Acceptez de lâcher prise, de ne pas tout comprendre, de ne pas être sur tous les dossiers, dans toutes les réunions. Acceptez vos maladresses, vos erreurs, vos hésitations.
Découvrez quelles sont vos vraies priorités
Le perfectionniste n'a que des urgences. Organisez vos tâches en distinguant bien l'urgent, l'important et l'accessoire, pour apprendre à gérer vos priorités.
Soyez vous-même
Il n'est pas simple de rompre avec une manière de travailler (et de vivre). Donnez-vous le temps de vous défaire de cette quête de perfectionnisme. Soyez vous-même. C'est la meilleure façon de garder la santé et de développer votre créativité. Bonne nouvelle pour vous : le travailleur expatrié parfait n'existe pas.