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Systèmes de santé à l'étranger : voici comment surmonter les barrières linguistiques

patient explaining issue to doctor
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Écrit parAmeerah Arjaneele 10 Janvier 2025

Les barrières linguistiques, souvent anodines dans la vie quotidienne d'un expatrié, deviennent potentiellement dangereuses dans le domaine médical. En matière de santé, une mauvaise communication peut avoir des conséquences graves, voire mortelles. Comment, lorsque vous ne maîtrisez pas parfaitement la langue locale, garantir que vos symptômes sont précisément transmis au médecin ? Comment comprendre totalement vos ordonnances et instructions de sortie, sans risque de malentendu ou d'erreur ?

Systèmes de santé : la barrière invisible de la langue

Les systèmes de santé publique souffrent de difficultés financiers chroniques un peu partout dans le monde. Conséquence directe : les formations linguistiques du personnel médical et le recrutement d'interprètes professionnels sont souvent les premiers domaines sacrifiés lors des coupes budgétaires. Cette réalité économique crée des obstacles supplémentaires à une communication médicale efficace et sécurisée pour les patients étrangers.

Selon DW News, l'Allemagne, malgré son statut d'économie mondiale majeure, accuse un retard significatif dans la gestion linguistique de son système de santé publique. Alors que  pour15 % de sa population (environ 13 millions de personnes) l'allemand n'est pas la langue maternelle, le pays manque totalement d'un dispositif centralisé d'interprètes médicaux.

Cette carence engendre des situations préoccupantes : certains établissements de santé privés pratiquent une discrimination ouverte, refusant les patients présentant une maîtrise limitée de l'allemand, sauf s'ils amènent leur propre interprète. Certains médecins justifient même cette pratique en affirmant qu'accepter de traiter des patients sans communication claire constituerait une violation des droits humains.

Cette pénurie linguistique crée des situations problématiques dans le système de santé. Dans certains établissements privés, on observe des pratiques discriminatoires où les patients ayant une maîtrise limitée de l'allemand sont écartés, sauf s'ils viennent accompagnés d'un interprète personnel. Certains praticiens poussent même le raisonnement jusqu'à affirmer que soigner des patients avec qui la communication est difficile reviendrait à compromettre les droits humains, une justification pour le moins contestable.

Certains pays ont choisi de mettre en place un système centralisé qui inclut l'intervention d'interprètes médicaux. Au Royaume-Uni, le National Health Service (NHS) est responsable de la fourniture d'interprètes médicaux aux patients qui en ont besoin. Les patients peuvent solliciter ce service via leur médecin généraliste ou leur cabinet, qui organisera un rendez-vous avec un interprète disponible. Pour réduire les coûts, l'interprétation se fait généralement à distance, par téléphone ou visioconférence, plutôt qu'en présence physique d'un interprète à l'hôpital. La plupart des interprètes du NHS sont diplômés ou certifiés en interprétation, ou possèdent une expérience équivalente, l'interprétation médicale nécessitant des compétences spécialisées que les personnes bilingues non formées ne possèdent pas forcément.

Toutefois, les problèmes de financement et de personnel au sein du NHS ont parfois entravé la fourniture de services linguistiques adéquats, en particulier pour les langues rares, dans les zones reculées et au sein des services d'urgence. Slator, une source de renseignements sur le marché de la traduction et de l'interprétation, a constaté qu'un tiers des travailleurs de première ligne au Royaume-Uni, y compris au sein du NHS, ont recours à Google Translate et ChatGPT lorsqu'ils communiquent avec des personnes dont la langue maternelle n'est pas l'anglais. Cette pratique peut être dangereuse, et des recherches ont mis en garde les professionnels de santé contre son utilisation.

En conséquence, il est aujourd'hui vital de sensibiliser davantage les professionnels de la santé à l'impact des barrières linguistiques et de promouvoir l'offre active de services dans les langues des patients afin d'assurer une communication précise et efficace.

Exemple frappant des dangers de cette pratique, celui d'une expatriée syrienne au Royaume-Uni qui a subi une hystérectomie en 2018 sans son consentement. Le personnel hospitalier avait utilisé Google Translate pour lui expliquer la procédure, mais en arabe, elle avait clairement refusé l'intervention. Malheureusement, en raison des limites de l'application, le personnel n'a pas compris sa réponse. Si les applications de traduction peuvent être pratiques pour des tâches simples comme demander son chemin ou commander un repas, elles ne conviennent pas pour transmettre des informations sensibles, comme le consentement d'un patient ou les instructions de sortie. Y compris lorsque des documents médicaux sont traduits par ces outils, ils doivent impérativement être vérifiés par un traducteur humain.

En tant qu'expatrié, vous avez probablement souscrit une assurance médicale privée, l'accès aux soins de santé publics gratuits étant généralement réservé aux citoyens. Pensez à vérifier si votre assureur travaille avec des médecins bilingues privés. Il est même possible de trouver des médecins expatriés de votre pays d'origine, capables de communiquer aussi bien dans votre langue maternelle que dans la langue locale. Vous pouvez obtenir des recommandations de médecins expatriés sur des forums comme Expat.com ou d'autres groupes de soutien. Vela vous évitera ainsi d'avoir recours à des services d'interprétation si vous devez vous rendre dans un hôpital public.

Comment prendre soin de sa santé à l'étranger en toute confiance ?

Faites traduire vos dossiers médicaux avant le départ

Quelques mois avant votre départ ou dès votre arrivée dans votre pays d'accueil, pensez à rassembler tous vos dossiers médicaux et à les faire traduire dans la langue officielle du pays. Cela facilitera leur consultation par les professionnels de santé locaux, sans avoir à faire appel à un traducteur en urgence. Cette option peut s'avérer très utile, surtout si vous devez faire face à des situations imprévues, comme une crise d'asthme ou une extraction dentaire, ce qui pourrait coûter cher si une traduction de dernière minute est nécessaire.

Il est très important de toujours faire appel à un service de traduction professionnel et d'éviter de demander à un membre de votre famille ou à un ami non qualifié de traduire des documents spécialisés. Dans certains pays, les traducteurs médicaux doivent être assermentés ou certifiés par un organisme de réglementation. En Australie, par exemple, les traducteurs de documents juridiques et médicaux officiels doivent être certifiés par la NAATI (National Accreditation Authority for Translators and Interpreters).

Vous trouverez des traducteurs qualifiés auprès de ProZ, plateforme sur laquelle pouvez publier une offre détaillant vos besoins en traduction et votre budget. N'oubliez pas de préciser le pays pour lequel vous avez besoin de la traduction. Par exemple, si vous traduisez vers l'espagnol, indiquez si c'est pour l'Espagne, le Mexique, l'Argentine ou un autre pays. Quant aux alternatives comme Upwork et Fiverr, ces plateformes regroupent à la fois des amateurs et des professionnels, ce qui les rend moins fiables que ProZ.

Vous pouvez également consulter les répertoires « Trouver un professionnel » des associations de traducteurs et d'interprètes. Ces annuaires vous permettent d'affiner votre recherche en fonction du lieu, de la paire de langues et de la spécialisation (dans le cas présent, la traduction médicale). Bien que ces associations soient souvent basées dans un seul pays, elles comprennent également des membres internationaux qui exercent dans d'autres régions. Vous trouverez ci-dessous une liste de ces répertoires, ainsi que les liens permettant d'y accéder :

Évitez les applications, membres de la famille ou amis pour l'interprétation

Comme mentionné précédemment, bien que les applications de traduction, y compris les plus récentes alimentées par l'IA, soient d'une grande utilité, il est hautement risqué de compter sur elles pour l'interprétation médicale sans vérification humaine. Dans la mesure du possible, faites appel à un interprète professionnel qui pourra clarifier les doutes, tant de votre côté que du côté du médecin, tout en jouant un rôle d'intermédiaire culturel. En effet, une application peut avoir du mal à saisir les nuances culturelles, comme l'utilisation d'euphémismes dans le cadre de la santé sexuelle, ou les variations de noms de médicaments d'un pays à l'autre.

Il est tout à fait naturel de vouloir être accompagné d'un membre de la famille ou d'un ami pour un soutien émotionnel à l'hôpital. Néanmoins, il est risqué de lui confier le rôle d'interprète non formé, surtout lorsqu'il s'agit de questions de santé sérieuses (comme une consultation en cardiologie). EthnoMed, un réseau de prestataires de soins de santé de Seattle dédiés aux patients immigrés, explique pourquoi cette pratique est déconseillée : d'une part, un proche peut ne pas maîtriser les termes médicaux spécialisés et transmettre des informations erronées, et d'autre part, il peut omettre ou modifier des détails en fonction de ses liens affectifs avec vous. Il est donc beaucoup plus sûr de demander un interprète par l'intermédiaire de l'hôpital, de faire appel à une organisation professionnelle d'interprétation, ou de consulter un médecin parlant votre langue maternelle.

Apprenez les termes de base liés à la santé dans la langue locale

Avant ou pendant votre expatriation, vous avez probablement commencé à apprendre la langue locale. Profitez-en pour vous familiariser avec les principales phrases liées aux soins de santé, comme « J'ai mal au ventre », « J'ai de la fièvre » ou « J'ai pris des analgésiques ». N'oubliez pas que les médicaments ayant la même composition chimique peuvent porter des noms de marque différents d'un pays à l'autre. Prenez donc le temps de rechercher les noms locaux des médicaments courants, tels que les sirops contre la toux ou les analgésiques.

Si vous souffrez d'une maladie préexistante et prenez déjà des médicaments au moment de votre expatriation, il est crucial d'apprendre les noms de vos traitements dans la langue locale. Par exemple, si vous êtes diabétique et expatrié en Chine, même si votre niveau de chinois est limité, retenez le terme « táng niào bìng » qui signifie « diabète » et utilisez-les en cas d'urgence. Un simple mot peut en effet transmettre des informations essentielles à un médecin.

Si vous avez un tuteur linguistique, demandez-lui de vous aider à pratiquer des jeux de rôle médecin-patient. Cela vous permettra de vous familiariser avec les échanges dans un contexte médical. De plus, des plateformes comme Coursera et EdX proposent des cours en ligne axés sur la communication en santé dans une langue étrangère. Par exemple, le cours « Spanish for Successful Communication in Healthcare Settings » de l'université Rice ou « Clinical Terminology for International and U.S. Students » de l'université de Pittsburgh peuvent vous aider à maîtriser le vocabulaire médical essentiel.

Souscrivez une assurance médicale qui fournit une assistance linguistique

Lors de la sélection de votre assurance médicale privée en tant qu'expatrié, optez pour des régimes qui incluent des services d'assistance linguistique et d'interprétation. Par exemple, Cigna Global, experte en assurance pour expatriés, propose ces prestations à ses assurés.

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A propos de

Ameerah est chargée de cours et tutrice privée enseignant l'espagnol et le mandarin à l'île Maurice. Elle a aussi été traductrice indépendante, éditrice et rédactrice de contenu pendant une décennie. Elle a vécu à Madrid et à Pékin.

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