Présente-toi: d'où viens-tu et qu'as-tu fait comme études ?
Je m'appelle Sibylle Eschapasse. Je viens de Paris où j'ai grandi et fait mes études. Avant de venir m'installer à New York, j'avais fait des études de géographie à la Sorbonne. J'avais choisi la géographie car je suis passionnée par les voyages et la découverte des autres cultures, l'exploration sous toutes ses formes; et la géographie est tellement complète et regroupe tant de disciplines que cela est très intéressant pour comprendre le monde dans lequel nous évoluons. Au moment de la Maîtrise, je me suis spécialisée dans les espaces insulaires du Pacifique sud et je suis partie à Wallis-et-Futuna pour étudier les relations entre la population locale et leur récif corallien, d'un point de vue de l'espace géographique et non pas physique. Voir un peu comment ils s'appropriaient cet espace depuis la côte jusqu'au récif barrière en passant par le lagon, les effets de l'anthropisation sur la côte avec la construction des maisons, l'enrochement, le dégraissement des plages, la pêche, l'extraction de corail etc... Cela n'a pas été facile car Wallis-et-Futuna, bien que territoire d'outre-mer français, est assez isolé et obéit à une société basée sur la coutume et il fallait pour tout que je demande l'autorisation aux chefs des villages.
En 2001, il y avait aussi très peu de données sur mon sujet de recherches et il a fallu que je fasse beaucoup de choses moi-même, que je recartographie la côte habitée. Et puis, mon sujet était un sujet écologique, et qui dérangeait un peu car l'île de Wallis a été très abimée... Rajouter à cela le fait que j'étais une petite jeune fille de 22 ans à l'époque, venue toute seule depuis Paris, dans une société très coutumière et machiste. Cela n'a pas toujours été simple mais cela a été intéressant...
Pour mon DEA, j'avais obtenu après ma Maîtrise une bourse de recherches et mes directeurs m'ont encouragée à repartir à Wallis-et-Futuna dans l'idée de faire une thèse mais j'ai préféré repartir à Tahiti où j'étais passée et que j'avais trouvé beaucoup plus simple et plus ouvert. Donc en DEA, j'ai choisi d'étudier les conséquences du tourisme de croisière sur les archipels de la Polynésie française avec une étude de cas sur l'Aranui qui est un cargo mixte qui dessert les vallées reculées des îles Marquises et permet à des voyageurs chanceux de découvrir une population et des paysages magnifiques. J'ai choisi ce sujet plus facile pour me faire un peu plaisir. Je vous ai dit que j'adorais les beaux voyages, et les îles Marquises sont tellement belles et poétiques.
Des îles Marquises à New York, c'est plutôt un changement. Comment ça s'est passé ?
Je suis d'abord revenue à Paris pour ma soutenance. Puis il a fallu que je m'organise très vite. Je ne souhaitais pas poursuivre en thèse. J'adore la géographie mais je n'ai jamais pensé devenir prof ou me diriger vers la recherche et faire ça toute ma vie. J'ai toujours pensé que je pouvais faire des études qui m'intéressaient et que je réussirais toujours à faire ce que je souhaitais faire et travailler dans le domaine qui m'intéresse. Je ne sais pas si c'est logique, l'idéal étant de faire des études qui vous passionnent qui correspondent à un même métier qui vous passionne aussi, mais c'est dans cet état d'esprit que j'étais. Et j'ai toujours voulu travailler dans le journalisme et la communication. Pour moi, ce n'est pas du travail tellement je prends du plaisir dans ce domaine.
Pendant mes études à Paris, je faisais des piges - ce qui m'amusait et en plus me permettait de gagner un peu d'argent. J'avais publié mon premier article sur une chaîne de télévision pay-per-view pour l'Entracte, l'équivalent de Playbill dans les théâtres parisiens. Puis je suis devenue pigiste régulière pour le Figaro étudiant. Le rédacteur en chef de l'époque avait été très sympa et m'avait dit OK tout de suite lorsque j'étais venue me présenter alors que j'avais 18 ans. Pareil pour RFO Tahiti. Le rédacteur en chef m'avait donnée ma chance pour faire des reportages pour les nouvelles du soir.
Après mon DEA, j'ai voulu m'installer à New York pour y vivre car j'arrivais à un âge où il fallait s'installer quelque part. J'ai eu la chance d'obtenir un stage au Consulat Général de France, au service Communication justement. Une demande que j'avais faite à Paris, un peu en retard, mais qui avait abouti malgré tout.
Comment es-tu arrivée à New York et quelles étaient les procédures à suivre pour obtenir ton visa ?
Je suis arrivée à New York en cargo car je souhaitais arriver comme une ancienne immigrante. Il faut comprendre que je partais vraiment pour m'y installer et je ne souhaitais pas arriver en quelques heures, comme tout le monde, en avion. Je voulais une arrivée forte et un peu plus intéressante et j'avais la chance d'avoir un peu de temps pour pouvoir le faire. En étant stagiaire au Consulat, je suis arrivée sur un visa gouvernemental A2.
De ton stage au Consulat à ton poste actuel à l'ONU, comment as-tu procédé ?
Il a fallu que je me batte pour chacun de mes postes. Rien n'est arrivé facilement. Après mon stage au Consulat, j'avais trouvé une opportunité pour un Club franco-américain qui organisait des déjeuners et conférences. Je suis passée de mon visa A2 à un visa J1 de 18 mois, non renouvelable. À la fin de ce visa, il a fallu que je change de nouveau de visa et je suis rentrée à l'ONU sur un visa G4 qui est le visa dit diplomate, bien que je n'ai pas le statut de diplomate car je travaille pour les Nations Unies per se et non pas pour une Mission permanente par exemple. À l'ONU, après avoir travaillé au Département du maintien de la paix depuis 2005, je suis depuis 5 ans à la Direction exécutive contre le terrorisme.
Comment vis-tu cette transition ?
Il y a certainement des choses que j'aurais fait différemment si j'avais eu l'expérience que j'ai aujourd'hui. J'aurais perdu moins de temps, je serais allée droit au but, plus rapidement. Mais dans l'ensemble, je suis contente de mon chemin pour le moment. Et je pense que toutes mes expériences passées m'ont permises d'arriver là où je suis aujourd'hui donc je ne les regrette pas. La vie à NY ou ailleurs est ponctuée de changements. Rien n'est absolument permanent dans la vie. Donc, il faut être souple et ne pas être trop rigide. On se refait continuellement. On vit dans une ville qui est en constante mutation et cela n'est que comme ça que l'on grandit, quel que soit l'âge que vous avez.
Hormis ton année passée à Wallis-et-Futuna et Tahiti, est-ce que New York est ta première expérience d'expatriation ?
Non. J'ai eu la chance de vivre 3 ans avec mes parents et mon plus jeune frère à Casablanca au Maroc quand j'étais adolescente. J'ai passé mon bac au lycée français de Casablanca d'ailleurs. Ces 3 années restent un très bon souvenir. Ce n'était pas forcément facile car ça n'est pas l'âge le plus approprié à 14/15 ans de bouger dans un univers totalement nouveau, mais c'était très enrichissant. Nous avons passé de très bons moments avec ma famille et le Maroc est un très beau pays.
Comment as-tu procédé pour trouver un logement à New York ?
Lorsque je suis arrivée, je ne connaissais personne. J'ai atterri au départ dans un couvent à Brooklyn où j'étais la seule non religieuse avant d'emménager dans une résidence de jeunes filles à Gramercy Park en 2003/2004. C'était idéal car c'était très sécurisé. Le quartier était formidable et nous avions la clé pour aller dans le parc, ultra privé, de Gramercy Park. Et je m'étais faite de très bonnes amies dans cette Résidence. On s'amusait bien. Puis, j'ai déménagé de nouveau. En 12 ans, j'ai du déménagé 8 fois, surtout dans les premières années. J'ai habité à Brooklyn, dans le Bronx aussi à Riverdale, et dans différents quartiers de Manhattan qui est le « borough » que je préfère. Je vis maintenant à Midtown East, ce qui est très pratique car c'est à côté de mon bureau.
Quel est ton avis sur le coût de la vie à New York ?
Je ne sais jamais répondre à cette question car je suis arrivée à New York à l'âge de 23 ans. Donc, l'essentiel de ma vie adulte et mes repères sont ici. Pour moi, le coût de la vie à New York est normal. Certaines choses comme le logement peuvent paraître chers bien-sûr, mais les salaires à New York sont aussi plus élevés. L'un dans l'autre, cela revient à la même chose. Et même à Paris, il faut également de l'argent si l'on veut une vie agréable. Mais on peut vivre aussi avec moins d'argent. Cela dépend des gens et de ce que vous faites. À New York, il faut cela dit une bonne assurance médicale car les consultations chez le médecin sont chères. Lorsque vous venez vous installer ici, prenez absolument une assurance médicale ! Aussi, à New York les écoles privées coûtent chères mais je n'ai pas encore d'enfants donc je vous dirai ce que j'en pense quand j'en aurai.
Tu viens de publier un petit livre pour enfants intitulé « Argy Boy! A New York Dog Tale ». De quoi parle ce livre ?
C'est une petite histoire très mignonne et très new-yorkaise pour les jeunes enfants. Argy Boy, le personnage principal, est un petit chien adorable. Il vit à Manhattan dans un appartement moderne d'un gratte-ciel avec d'autres personnages animaliers. Il y a un perroquet, un chat et des poissons rouges et un jour, une souris leur rend visite et l'aventure commence ! C'est une histoire toute simple avec des illustrations que je trouve belles et j'ai pris beaucoup de plaisir à écrire ce livre et suivre tout le projet jusqu'à sa publication.
Pour ceux qui envisageraient de partir vivre là-bas, as-tu des conseils ?
Il faut être déterminé et débrouillard, et comprendre que tout est possible si vous vous en donnez les moyens. Très peu de gens m'ont aidée ici. Ce que j'ai fait n'a rien d'exceptionnel bien évidemment mais 12 ans après mon arrivée, je suis toujours ici et j'ai toujours réussi à obtenir des postes et mes visas alors que cela n'était pas forcément si simple au départ. Donc si j'ai réussi, vous le pouvez également si vous le souhaitez. Il ne faut pas se décourager. Avancer avec soi-même et les personnes qui sont importantes dans votre vie. Il ne faut pas se créer de limites et ne jamais baisser les bras jusqu'à ce que vous réussissiez. Être son meilleur allié et savoir se protéger, rester doux d'une certaine manière tout en ayant une carapace, et ne pas se laisser faire car il y aura toujours des gens sur votre route qui seront désagréables ou mauvais.
Il faut savoir sortir ses griffes quand cela est nécessaire, mais le tout sans trop s'abîmer, en sachant préserver son sourire... Cela peut paraître difficile à mettre en pratique et un peu contradictoire mais cela est possible. En tout cas, c'est ce que j'essaie de faire.
Je salue aussi tous vos lecteurs qui se demandent s'ils peuvent venir s'installer à New York ou ailleurs, à l'étranger. Je ne vais pas parodier le célèbre « Yes we can » mais sachez que oui, comme presque 1,700,000 Français inscrits au registre mondial des Français établis hors de France, vous aussi, vous le pouvez !
Quels sont tes projets d'avenir ?
Après 5 ans dans mon poste actuel, je pense qu'il est temps que je change. Donc, je vais essayer de trouver un nouveau poste à l'ONU. En parallèle, je souhaite écrire plus. À la fois, terminer un recueil de citations sur lequel je travaille. Ceux qui me connaissent savent à quel point j'adore les citations... Et également, écrire plus d'articles pour la presse et revenir vers la télévision. Depuis RFO Tahiti, cela fait bien trop longtemps et il me tarde d'y revenir.
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