L'on croyait l'économie mondiale paralysée par la crise sanitaire et ses vagues à répétition. 2021 dévoile un monde à géométrie variable, avec des pays qui arrivent à maintenir leur économie, et même, à la développer. De nombreux secteurs sont en tension et en recherche de personnel qualifié. Autant d'opportunités pour les expatriés en partance, ou en projet professionnel.
République tchèque, Émirats arabes unis, Royaume-Uni, Canada, Québec, Qatar, Taïwan, Norvège, Israël, Suisse, Japon, Corée du Sud, États-Unis... nombreux sont les pays à recruter, plus ou moins ouvertement, une main-d'œuvre étrangère. Le Japon ou la Corée du Sud, traditionnellement conservateurs, ne communiquent pas extensivement sur leur politique de recrutement. Le Canada, le Québec ou les États-Unis communiquent plus ouvertement sur ces secteurs qui recrutent des étrangers.
Point commun entre ces différents pays : un taux de chômage faible, et des secteurs en tension assez similaires (santé, technologies de pointe, e-commerce, finance...). Ainsi, la République tchèque affiche le taux de chômage le plus faible de l'Union européenne, avec 2,8% en juillet 2021. Pour la même période, la Chine, l'Allemagne, et les États-Unis affichent, respectivement, un taux de chômage de 5, 5,7, et 5,9%. L'Australie passe même sous la barre des 5% (4,9%), un taux non atteint depuis plus de 10 ans. Taux inférieurs à 5% également pour Taïwan (3,8%), le Royaume-Uni (4,8%), la Malaisie (3,8%), la Suisse (2,8% en juin), le Japon (3% en mai), ou encore, la Corée du Sud (4,6% en avril). Selon le Bureau international du travail (BIT), ces pays sont en situation de plein-emploi, car sous la barre des 5%. Bien que l'analyse par la seule lecture du taux de chômage soit un indicateur imparfait de la bonne santé économique d'un pays, un taux bas induit un certain dynamisme économique. Et même lorsque ce taux est plus élevé - 9% en Israël ; 7,3% aux Émirats arabes unis ; 6,3% au Québec ; 7,8% au Canada - il n'empêche pas une recherche de main-d'œuvre étrangère.
Les secteurs qui recrutent
Santé
C'est sans doute l'un des secteurs les plus en tension : la crise de Covid-19 a ébranlé des systèmes de santé déjà en souffrance. De nombreux postes sont à pourvoir dans le médical et le paramédical, à tous les niveaux : infirmiers, aides-soignants, médecins, ambulanciers, techniciens de surface spécialisés, services à la personne... Ainsi, le Québec, le Canada, l'Allemagne, les États-Unis, les Émirats arabes unis, Taïwan, le Japon ou la République tchèque recrutent dans le secteur médical.
Au Québec, les métiers d'infirmiers, infirmiers cliniciens, ambulanciers, chiropraticiens, dentistes, nutritionnistes sont particulièrement sous tension. Le Canada est également en forte demande d'infirmiers, infirmiers psychiatriques, aides-infirmiers, aides-soignants, et de préposés à l'entretien ménager. Les techniciens de surface sont d'ailleurs également fortement demandés dans tous les lieux accueillant du public et lieux de travail (entreprises privées, administrations, commerces, bâtiments d'enseignement etc.)
En Allemagne, la pandémie a également accéléré les besoins. Selon l'Institut Der deutschen Wirtschaft, le pays redoute une pénurie de plus de 300 000 infirmiers d'ici à 15 ans, si des mesures urgentes ne sont pas prises. L'Allemagne fait, de plus, face à un vieillissement de sa population, qui la place devant de nouveaux enjeux démographiques. En 2019, le pays compte un peu plus de 83 millions d'habitants, notamment grâce au recours massif, en 2015, à l'immigration. La population continue cependant de vieillir, et la pandémie actuelle amène de nouveaux besoins. Les urgences sont sous tension, avec des secteurs particulièrement exposés (gériatrie, soins intensifs). Le pays est également en recherche d'assistants de laboratoires et de virologues.
Même constat aux États-Unis, en République tchèque ou au Japon, avec une forte demande d'infirmiers, d'aides-soignants et d'auxiliaires de vie. À noter que les États-Unis distinguent les « Licensed Practical Nurses » et les « Registered Nurses ». Ces dernières ont plus de responsabilités que les « Licensed Practical Nurses », et touchent un salaire plus élevé. Salaire et efficacité du système de santé, deux éléments mis en avant par Émirats arabes unis : le salaire moyen peut, ainsi, aller de 3 000€ à plus de 10 000€ par mois. Au Japon, la loi immigration du 1e avril 2019, prévue pour accueillir des étrangers peu ou moyennement qualifiés, entendait recruter quelque 345 000 travailleurs. La crise sanitaire accroît les besoins, notamment d'infirmiers et d'aides-soignants.
IT, nouvelles technologies, robotique, informatique
C'est l'autre secteur en tension depuis la crise de la Covid-19. Les « métiers du futur » sont en plein développement. Le Forum économique mondial (FEM) estime que d'ici à 2025, grâce à ces nouveaux métiers, le nombre d'emplois créés dépassera celui des emplois détruits. Pour le FEM, cette nouvelle « révolution industrielle » va créer pas moins de 97 millions d'emplois dans les 5 ans à venir; dans le même temps, 85 millions d'emplois disparaîtront, notamment du fait de la robotisation de tâches jusqu'alors dévolues aux hommes. Loin d'y voir une conclusion négative, le FEM analyse la conjoncture économique comme un nouveau tremplin vers une nouvelle organisation du travail : la robotisation des tâches pénibles, permettant aux hommes de se concentrer sur la recherche et l'innovation.
Cette vision optimiste est partagée par Israël, qui multiplie les investissements en la matière, et recrute des « cerveaux » : experts en intelligence artificielle, en cybersécurité, en analyse de données, développeurs de logiciels... autant de domaines ouverts au savoir-faire étranger.
L'Allemagne mise également sur les nouvelles technologies, et recherche des ingénieurs, notamment en robotique et en aérospatiale. Des techniciens sont également très recherchés dans ces domaines. Et pour traiter le grand nombre de données générées par ces nouvelles activités, l'Allemagne mise sur les data analysts et data scientists. Derrière ces noms se cachent des fonctions très diversifiées en fonction des sphères d'activité. Le point commun de ces experts du traitement des données : la maîtrise des algorithmes, de la programmation, et du langage économique.
Le Québec aussi investit dans les emplois du futur : les métiers d'analyste et consultant en informatique, gestionnaires des systèmes informatiques, agent de soutien informatique, ingénieurs chimistes, civils, ingénieurs en aérospatiale sont actuellement sous tension.
Déjà en avance dans le domaine, les États-Unis œuvrent pour se développer davantage. Ainsi, en août 2020, le ministère de l'Énergie dit vouloir investir près d'un milliard de dollars dans la recherche et le développement. Cet investissement s'ajoute aux 500 millions annuels injectés dans la recherche en intelligence artificielle et la robotisation. Propulsés sur le devant de la scène grâce au groupe Pfizer et son vaccin pour lutter contre la Covid-19 (en partenariat avec BioNTech), les États-Unis se positionnent en leader de l'innovation et de la recherche. La Sillicon Valley, elle, reste un poids lourd de l'innovation mondiale, même si la crise sanitaire a entraîné de nouveaux comportements - le télétravail - propices à l'émergence de nouvelles places fortes des nouvelles technologies.
Loin de se laisser distancer, le Canada, l'UE, les Émirats arabes unis, le Qatar, ou encore, la Chine, innovent en matière de technologie. La Chine entend d'ailleurs se faire une place sur le marché, et attirer les capitaux étrangers. En mars dernier, Fanuc, géant de la robotique japonaise, déclare investir 200 millions d'euros dans son usine de Shangai. Le pays compte plus de 3 700 entreprises spécialisées en robotique, et recrute des cerveaux. Dans un entretien accordé à l'Usine Nouvelle en avril dernier, Emil Hauch Jensen, directeur général de la société de conseil en robotisation Gain&Co en Chine, confirme cette dynamique chinoise. En 2015, « la Chine a présenté son grand plan industriel 'made in China 2025', avec comme objectif de devenir leader stratégique dans 7 industries clés, dont la robotique. [...] Le gouvernement chinois a soutenu un agenda très ambitieux, [...] en proposant un grand nombre de subventions pour l'automatisation. [...] Les investisseurs ont suivi, tout comme les universités qui ont développé des programmes de formation spécifiques ». Autant d'opportunités nouvelles pour les candidats à l'expatriation qui opèrent dans ces domaines de pointe.
Leader de la robotique mondiale, le Japon continue ses innovations technologiques : nombres d'entre elles sont d'ailleurs testées à l'occasion des JO de Tokyo. Fanuc, Toyota, Mitsubishi, Natchi, Kawasaki, Yaskawa, Fujita... les géants japonais révolutionnent l'industrie robotique. Le pays accueille régulièrement des salons internationaux dédiés à la robotique - en septembre prochain, c'est le World Robot Summit (initialement prévu en 2020) qui mettra, une nouvelle fois, les technologies japonaises à l'honneur. Occasion d'apprécier également les innovations mondiales, et, pour les expatriés, de se frotter au marché japonais. En 2019, le Japon a investi près de 500 millions d'euros dans l'innovation. Le pays compte accroître ses investissements pour asseoir son leadership. Les étrangers spécialisés dans les nouvelles technologies, la recherche, la robotique, l'intelligence artificielle, trouveront, au sein des entreprises japonaises, un marché dynamique, en constant renouvellement. A noter que le voisin coréen entend aussi se faire une place dans le secteur de la robotique. Selon l'annuaire World Robotics, en 2018, la Corée du Sud devient le 3e pays à posséder des robots industriels en fonctionnement, derrière le Japon et la Chine.
Taïwan est aussi entré dans la course à l'innovation. Selon Business France, « La valeur de la production IoT (Internet des Objets) à Taïwan en 2019 a atteint 38,74 milliards d'euros, ce qui représente 4,3 % de parts de marché mondiale ». Face à la demande constante de l'industrie taïwanaise, cette valeur pourrait encore s'accroitre dans les années à venir, avec toutes les retombées positives sur l'emploi international qui en découlent.
Autres secteurs qui recrutent
Finance, banque
Bien qu'ébranlés à plusieurs reprises par la crise mondiale, la finance et le secteur bancaire ont résisté, à grand renfort de subventions gouvernementales ponctuelles, pour soutenir des banques parfois en crise. De nouveau confiant en l'avenir, malgré le variant Delta, le monde de la finance recrute : République tchèque, Suisse, Qatar, Taïwan, Émirats Arabes Unis, Québec...
Agriculture raisonnée, agroalimentaire, écologie, énergies renouvelables
La demande évoluant vers une plus grande conscience écologique, l'Allemagne se tourne vers des techniciens et spécialistes de l'agroalimentaire : les produits ultra-transformés font moins recette; il s'agit de se pencher sur une nouvelle manière de consommer et de produire (productions agricoles moins gourmandes en eau, aliments moins transformés, packaging etc.). Le Canada, le Québec et les États-Unis investissent également dans ces domaines. Le coronavirus, et les récentes catastrophes naturelles liées au réchauffement climatique, ont réveillé les consciences. Bien que constituant encore une niche, ces secteurs sont en constant développement, et en demande de main d'œuvre qualifiée, et sensibilisées aux questions environnementales.
Marketing, communication, e-commerce, web, multimédia
Selon le rapport de la CNUCED (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement), « Le commerce électronique mondial atteint 26 700 milliards de dollars et la Covid-19 stimule les ventes au détail en ligne ». Parmi les pays qui ont réalisé le plus de ventes, on retrouve les grands pourvoyeurs d'emploi en 2021 : les États-Unis, à la première place (plus de 9 billions de dollars), suivis par le Japon (3,4 billions de dollars), la Chine (2,6 billions de dollars) et la Corée du sud (1,3 billions de dollars). La Covid-19 a boosté les ventes, et accéléré l'expansion du e-commerce. Taïwan s'inscrit aussi dans ce dynamisme. Nombre d'emplois sont à pourvoir : performance marketing managers, sourcing achats, chef de produit, cloud architect, webdesigners, développeurs web, community managers, traffic managers, consultants référencement SEO, graphistes, rédacteurs web, brand content managers, consultant web marketing.
Concernant plus spécifiquement le domaine du jeu vidéo, le Japon, les États-Unis, la Chine et la Corée du Sud sont en recherche régulière de développeurs, animateurs et de concept artists. Le secteur de l'animation est également en pleine évolution, boosté par les plateformes de streaming voulant, chacune, proposer son propre contenu. Les pays d'Europe sont particulièrement dynamiques, et en demande régulière d'animateurs, story-borders, concept artists.
D'autres opportunités sont à saisir
Avec la réouverture des frontières, c'est tout le secteur touristique qui se redéploye : la restauration et le secteur hôtelier embauchent de nouveau. Le Royaume-Uni, les États-Unis, les Émirats Arabes Unis, la Chine ou le Québec misent de nouveau sur le tourisme.
L'enseignement (Canada, Japon, Chine, Québec), l'immobilier (Québec, Canada), le BTP/transport (Japon, Suisse, Québec, Taïwan), les métiers de l'administratif et les postes juridiques (Québec, Suisse), les métiers du luxe (États-Unis, Émirats Arabes Unis, Qatar), sont aussi en recherche régulière de personnel qualifié. La diversité de secteurs qui embauchent attestent de la reprise économique mondiale, même si de fortes disparités sont à observer.
Les candidats à l'expatriation peuvent se tourner vers l'avenir, et envisager leur projet professionnel. Principal avantage : le dynamisme économique, notamment en matière d'innovation technologique, innovation s'appliquant à nombre de domaines : santé, industrie, e-commerce...). Principal frein : la barrière de la langue. Si parler anglais n'est plus considéré comme un plus, mais comme un pré requis, parler japonais, coréen ou hébreux n'est également plus forcément perçu comme un atout propre à démarquer deux CV. La maîtrise de ces langues et de leurs codes culturels sera fortement apprécié par les entreprises, au même titre que l'expérience professionnelle.