Holy est née à Madagascar et a grandi à l'île de la Réunion. Après avoir vécu plusieurs années à Paris, elle s'est envolée vers l'Allemagne pour y rejoindre son compagnon. Au travers de cette interview, elle nous relate son quotidien à Kiel.
D'où viens-tu, Holy, et que fais-tu actuellement ?
Je suis née à Madagascar et j'ai passé toute mon enfance sur l'île de La Réunion. Mes parents y habitent encore d'ailleurs. Comme je le dis souvent, je me sens plus Réunionnaise que Malgache. J'ai quitté mon île de cœur juste après le lycée pour étudier à Paris et j'y suis restée douze ans. A Paris, je travaillais en tant qu'attachée de presse, d'abord pour des agences de relations publiques et ensuite pour une société d'assurance. Aujourd'hui, j'ai décidé de laisser de côté tout l'aspect relationnel presse pour me consacrer uniquement à la rédaction. Je suis donc en « phase » de reconversion avec mon blog et une première courte expérience en tant que journaliste en Allemagne.
Comment t'es-tu retrouvée en Allemagne ? Qu'est-ce qui t'as attirée vers Kiel ?
Si on m'avait dit, deux ans avant cette aventure, que j'allais vivre à Kiel ! L'Allemagne ne figurait pas dans ma liste « d'envie » pour une éventuelle expatriation. Les événements se sont enchaînés de cette façon : mon compagnon a trouvé un emploi à Kiel et je l'ai rejoint six mois après son emménagement. Comme beaucoup, j'ai suivi mon conjoint. Je ne connaissais pas du tout Kiel et, je vous avoue que la ville ne m'a pas vraiment emballée. Aujourd'hui, j'ai appris à la connaître et je m'y sens plutôt bien. J'ai souvent la nostalgie de Paris, de la France, mais je pense que cela est normal.
Comment s'est passée ton installation ? Depuis combien de temps y vis-tu ?
Je vis à Kiel depuis un an et trois mois maintenant. Mon installation, côté logement, s'est très bien passée car nous avons réussi à trouver rapidement un appartement. Mon installation administrative, quant-à-elle, s'est révélée être un vrai casse-tête : ne parlant pas un mot d'allemand, j'ai dû me faire aider.
Quelles étaient les procédures à suivre pour que tu puisses t'y expatrier ?
Comme pour tout voyage en Europe, il est important d'avoir une carte d'identité valide lors de son installation (à défaut son passeport). Lorsque l'on souhaite s'installer en Allemagne, la première chose à faire est de s'inscrire auprès de la mairie de son lieu d'habitation (celle-ci doit se faire au plus tard deux semaines après son arrivée). Lors de cette inscription, la mairie vous remet un papier (Anmeldung) qui vous permettra, par la suite d'ouvrir un compte bancaire, de souscrire à une assurance maladie, d'immatriculer un véhicule, de s'inscrire à l'agence pour l'emploi, de bénéficier de réduction dans les écoles de langue... Avoir l'Anmeldung est primordial lorsque l'on entreprend une démarche administrative. La seconde chose importante est l'assurance maladie. En Allemagne, comme en France, être assuré est obligatoire. La différence est qu'en Allemagne il existe beaucoup (trop peut-être) de caisses d'assurance. C'est à vous de choisir et à vous de payer personnellement si vous n'avez pas d'emploi ou si vous n'êtes pas inscrit à l'agence pour l'emploi.
As-tu éprouvé des difficultés à franchir ces étapes ?
Je n'ai pas eu de difficultés à franchir ces étapes car j'avais préparé l'ensemble de mes papiers. J'ai éprouvé des difficultés plutôt au niveau du « moral ». Lorsque l'on ne parle pas un mot de la langue de son pays d'accueil, cela s'avère plus compliqué. Plus dur parce que nous sommes obligés d'être accompagné, comme un enfant, d'un germanophone. Plus dur aussi parce qu'il est plus difficile de se faire comprendre. Bien entendu, je parle anglais mais dans une administration allemande, on ne parle qu'allemand. C'est une chose que je comprends car en France, le français prévaut.
As-tu eu des difficultés d'adaptation à ton nouvel environnement ?
La mentalité allemande est définitivement, ce n'est que mon avis, différente de la mentalité française. Celle-ci n'est pas négative ou positive, elle est juste différente. J'ai donc eu du mal à m'adapter au début, mais avec beaucoup de bonnes volontés, je m'y suis faite. Et, je ne le regrette pas.
Qu'est-ce qui t'as le plus surpris à ton arrivée à Kiel ?
La grisaille, c'est encore plus gris qu'à Paris l'hiver ! Blague à part, je crois que ce qui m'a le plus surprise c'est la lumière du nord. Bien qu'il pleuve, qu'il fasse gris et qu'il y ait du vent souvent à Kiel, la lumière du jour est très intense et j'aime beaucoup. Par exemple, l'été, le jour se lève à 4h du matin et la nuit tombe vers 23h / 23h30. Petit conseil à ceux qui souhaitent s'installer dans le nord de l'Europe : pensez à vous munir de rideaux occultant. Comme il n'y a pas de volets aux fenêtres, la lumière pénètre très rapidement dans les habitations et il est impossible de dormir.
Une idée reçue qui s'est avérée fausse ?
Les idées reçues que j'avais en tête ne se sont pas avérées fausses, mais ont été atténuées. Par exemple, beaucoup m'avaient indiqués que les Allemands du nord étaient très froids et fermées. Ils le sont effectivement, mais il suffit d'engager la conversation et ils le sont beaucoup moins. Une autre qualité du nord ? Les Allemands sont vraiment serviables et la politique du partage est de mise.
As-tu eu des difficultés à rechercher un logement ? Quels sont les types de logements qui y sont disponibles et accessibles aux expatriés ?
Nous avons trouvé notre appartement à distance, depuis Paris. Un ami allemand nous avait transmis les liens vers les sites immobiliers et nous avons fait nos choix directement en ligne. Ce même ami a eu la gentillesse de visiter les appartements pour nous.
Nous avons eu de la chance que cela se soit passé aussi simplement car il existe une réelle pénurie de logements à Kiel. Vous pouvez, en effet, attendre plusieurs mois avant de trouver un appartement. Le type de logement qui marche très bien est la WG (à prononcer : « végué », la colocation) d'un appartement. Kiel accueille beaucoup d'étudiants chaque année est cette solution est la moins coûteuse. Pour les expatriés, il est également possible d'opter pour une WG, la location d'un studio ou d'un appartement. Comparés à la France, les loyers sont abordables.
Quelle est la culture du travail à Kiel ? Est-il facile pour un expatrié d'y être embauché ?
Cela dépend du secteur dans lequel vous travaillez et si vous parlez allemand ou pas. Il est possible de travailler à l'université de Kiel et de trouver un poste de recherche. L'allemand est souhaité mais pas indispensable puisque tous parlent anglais. Il existe également des postes similaires dans certaines entreprises privées. Pour le reste, il est impératif de parler allemand. Bien entendu, il est possible d'effectuer des petits boulots où seuls des bases en allemand sont requises.
Que penses-tu du mode de vie des Allemands ?
En bonne Française, je dirais qu'ils mangent beaucoup trop tôt (vers 18h30 / 19h). En bonne paresseuse, je dirais qu'ils courent beaucoup trop. Qu'il vente, qu'il neige, qu'il pleuve, ils ne ratent jamais leur séance de jogging. Il y a beaucoup de végétariens et de grands passionnés de junk-food (la pizza en top 1 et les hamburgers en top 2).
A quoi ressemble ton quotidien en tant qu'expatrié ?
Je ne prends plus les transports en commun mais fais presque tout à vélo. Les rues autour de moi ont des noms très longs et parfois impossible à prononcer. Je parle instinctivement une autre langue et je m'étonne de réussir à me faire comprendre. Je ne vis pas de grandes aventures tous les jours, mais je pars en vadrouille plus souvent et je suis beaucoup plus curieuse.
Que fais-tu pendant ton temps libre ? Quels sont les loisirs accessibles aux expatriés ?
Kiel est une ville de bord de mer (la mer baltique). J'aime beaucoup me promener le long du Foerde (le bras de mer de la ville / le port), prendre des photos et manger des Fischfricadelle Brötchen (des petits pains aux poissons panés).
Les expatriés peuvent se rendre à l'Institut Français de Kiel pour y découvrir sa programmation (des expositions, un festival du cinéma francophone, des rencontres Franco-allemande...). Des loisirs tout à fait accessibles. Sinon, la ville propose également quelques évènements chaque mois (la fête de la mer, la fête de la bière, le marché de tissus...). Tous les premiers dimanches, un vide-grenier est organisé. Et lorsqu'il fait beau, il suffit d'organiser un barbecue entre amis dans un parc.
Qu'est-ce qui te plait le plus à Kiel ?
La tranquillité. J'ai l'impression de vivre à la campagne.
Qu'est-ce qui te manque le plus par rapport à la France ?
J'ai besoin de ma dose « France » au moins une fois dans l'année. La gastronomie française me manque. La baguette bien cuite et croustillante me manque également. Il y a aussi le fromage et le vin. J'ai oublié, la mode française me manque beaucoup.
Quel est ton avis sur le coût de la vie à Kiel et en Allemagne en général ?
Pour ma part, je trouve que la vie à Kiel n'est pas vraiment chère. On peut s'alimenter, s'habiller et sortir sans vider son compte en banque. Comparée à la vie parisienne, la vie kieloise vous permet de faire de belles économies. Du côté des habitants, je remarque un autre son de cloche. Beaucoup de retraités reprennent une activité professionnelle car leur simple retraite ne peut couvrir tous les frais, par exemple. Il est également possible en Allemagne d'avoir un autre emploi (de l'ordre de quelques heures) après votre journée de travail (avec l'accord de votre employeur). On les appelle les neben jobs, littéralement on peut le traduire par « jobs d'à côté » : vous travaillez 8 heures la journée et enchaînez votre neben job juste après. C'est un moyen d'arrondir ses fins de mois.
De l'Allemagne, je ne connais que le nord pour l'instant. A Kiel, le coût de la vie est tout à fait correcte, mais dès que vous descendez un peu plus bas, à Hambourg par exemple, les prix augmentent facilement (les loyers, les restaurants.).
Un évènement particulier que tu as vécu à Kiel et que tu voudrais partager ?
Il y a eu beaucoup d'événements, mais le plus marquant pour moi a été « mon premier jour de cours d'allemand ». Je le garde en mémoire parce qu'il a été le point de départ de mon intégration et de mon adaptation à la vie allemande et aux Allemands.
Qu'est-ce qui t'as motivé à écrire ton blog « Any Holy Idea ? » ?
J'ai lancé mon blog parce que j'avais envie de m'accrocher à quelque chose, comme une bouée de sauvetage où seul le français est autorisé. En partant, je savais ce que je laissais, mais je ne savais pas vraiment ce que j'allais trouver. Écrire mon blog s'est révélé être une bonne thérapie. Sur « Any Holy Idea ? », je raconte ce que je vis (que cela soit bien ou mauvais). Je compare ce blog à un psy (ne rigolez pas). C'est un confident, un exutoire, un journal intime, sauf que tout le monde peut le lire. Et si en plus, je peux apporter quelques informations pratiques pour celles et ceux qui souhaitent franchir le pas, c'est encore mieux.
Des conseils aux personnes qui souhaiteraient s'expatrier en Allemagne ?
Venez avec quelques notions d'allemand. Venez aussi sans à priori parce que les débuts seront forcément durs, mais vous allez facilement vous y faire.
Quels sont tes projets d'avenir ?
J'ai décidé d'avancer tranquillement. Je poursuis mon apprentissage de l'allemand et aimerais réussir mon niveau B2. J'aimerais aussi me lancer dans la création d'entreprise : l'idée est là, maintenant il faut que je me donne les moyens d'y arriver.
Il existe un dicton à Kiel : « Si vous arrivez à rester un an à Kiel, c'est que vous allez y rester pour dix années supplémentaires au moins ». Je ne sais pas si cela est vrai. Dans tous les cas, l'avenir nous le dira.