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Élections anticipées 2024 : à quels changements majeurs doit-on s'attendre ?

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Sangiao Photography / Shutterstock.com
Écrit parAsaël Häzaqle 18 Juin 2024

2024, « l'année électorale », sera-t-elle aussi l'année des grands bouleversements politiques ? La démocratie est encore une fois mise au défi, et la presse internationale se fait l'écho des vives tensions socio-économiques qui ébranlent les États. Retour sur les différents contextes. Quelles implications pour les expatriés ?

France : des élections qui surprennent et inquiètent 

Tempête sur la France. Depuis l'annonce choc du Président Macron, pas un jour ne passe sans un nouveau psychodrame. Les candidats s'entre-déchirent et les électeurs se mobilisent. Les dates des législatives anticipées (29/30 juin et 6/7 juillet) précipitent des milliers de Français vers les postes de police pour faire valider leur procuration. Les Français établis à l'étranger avaient jusqu'au dimanche 16 juin pour mettre à jour leurs coordonnées pour voter par Internet. S'ils ne l'ont pas fait, il leur reste toujours la possibilité de voter à l'urne (à l'ambassade ou au consulat) ou de faire une procuration. Pour rappel, ces élections législatives anticipées surviennent après la victoire historique du Rassemblement National (RN) aux élections européennes. Le parti d'extrême droite a obtenu 31,37 % des voix. Loin devant le parti présidentiel (14,6 % des voix). 

À deux semaines du premier tour, le monde peine toujours à comprendre la décision du Président, nullement obligé d'aller dans de tels retranchements (puisqu'ayant une majorité relative). Vivement critiqué à l'intérieur comme à l'extérieur du pays, le président français « assume » et entend forcer les partis politiques à définir clairement leur programme, plutôt que de torpiller le sien. Le président semble surtout miser sur une « preuve par l'exemple » : selon lui, l'incompétence du RN à la tête de la France pousserait les électeurs à se rabattre sur un choix plus modéré en 2027. Une tactique risquée. Le président dit également vouloir « redonner la voix aux Français », certain que, là encore, ils choisiront la voix de la modération. En 2017 et 2022, les Français de l'étranger avaient majoritairement voté pour Emmanuel Macron. La France peine toujours à faire baisser le chômage (+7,6 %). Sa croissance devrait être de 0,8 % cette année.

Royaume-Uni : le pari de Rishi Sunak pour relancer le camp conservateur

Rishi Sunak tente un « coup de poker » pour sauver son parti. Les conservateurs n'arrivent plus à convaincre et à rassembler. Mercredi 22 mai, Sunak crée la surprise en annonçant des élections législatives le 4 juillet. Elles auraient dû avoir lieu en janvier 2025. Si le Premier ministre laissait entendre qu'il pourrait précipiter les élections cette année, beaucoup pensaient que les rumeurs n'allaient pas se transformer en faits réels. La décision de Sunak surprend jusqu'à son propre camp. Les électeurs vont-ils se déplacer en été ? Les conservateurs vont-ils rattraper leur retard sur les travaillistes ? 

Pour relancer son camp, Sunak compte sur la récente embellie économique. Il avait promis la stabilité. Le PIB du pays a augmenté de 0,6 % au premier trimestre 2024. C'est mieux que la France (+0,2  %), l'Allemagne (+0,2 %) et les États-Unis (+0,4 %). L'inflation recule à 3,2 %, très loin de ses records à plus de 10 %. L'Office national des statistiques (ONS) confirme que le Royaume-Uni est sorti de la récession (il y était entré fin 2023). L'OCDE, qui voyait le Royaume-Uni comme la lanterne rouge du G7, revoit sa copie. L'État pourrait enregistrer une croissance annuelle plus importante que prévu. C'est sur ces arguments que s'appuient les conservateurs pour espérer damer le pion aux travaillistes. Travaillistes qui préfèrent ironiser sur ce « rebond économique » en trompe-l'œil, qui, selon eux, masque le quotidien encore pénible de millions de Britanniques.

Le sujet tabou du Brexit et la menace de l'extrême droite

Un point reste absent de la campagne : le Brexit. Les élections européennes n'ont pas été très suivies au Royaume-Uni (plus préoccupé par ses législatives anticipées). Mais les partis évitent sciemment de parler du Brexit. Le sujet reste sensible et tabou. Les travaillistes reviendront-ils en arrière ? C'est le souhait des « Bregret », les Britanniques déçus du Brexit ou qui n'en ont jamais voulu. En janvier 2024, 60 % des Britanniques regretteraient le Brexit. Parmi eux, ceux qui constatent que l'immigration ne s'est pas arrêtée, que l'économie tourne au ralenti, et qu'il est plus difficile de s'expatrier et circuler dans l'Union européenne. Des secteurs ressentent directement les effets du Brexit, comme la pêche, le transport ou l'agriculture. 

Mais ni le camp conservateur ni le camp travailliste ne veulent remettre le dossier du Brexit sur la table, et encore moins évoquer un nouveau référendum. Le gouvernement préfère plutôt nouer des accords dans la coulisse, pour atténuer les effets de la sortie de l'UE. Reste à voir les effets de la stratégie Sunak lors des législatives anticipées. Pour l'instant, les sondages donnent les travaillistes grands gagnants. Mais l'extrême droite pourrait bien venir jouer les trouble-fête. Selon un sondage YouGov publié dans le Times, le parti d'extrême droite Reform UK obtiendrait 18 % des voix. Soit un point de plus que les Tories. Séisme dans le royaume, même si l'institut rappelle qu'il ne s'agit que d'un sondage et qu'il faut prendre en compte la marge d'erreur. Les libéraux démocrates talonnent les deux partis (15 % des voix selon le sondage). Les travaillistes caracolent toujours en tête, avec 37 % des intentions de vote.

Une percée des travaillistes favorables aux expatriés ?

Un gouvernement travailliste ferait-il les affaires des expatriés ? Les candidats à l'expatriation espèrent une inflexion de la politique d'immigration, rendue plus restrictive par le gouvernement Sunak. Mais pas sûr que leur vœu se réaliste. Début juin, le chef des travaillistes Keir Starmer a promis de faire « baisser les chiffres de l'immigration » en cas de victoire aux législatives. Il annonce également que la priorité de l'emploi sera donnée aux Britanniques. Les entreprises ne respectant pas la loi seraient dans l'interdiction de recruter des expatriés.

Algérie : des présidentielles anticipées pour relancer le pouvoir ?

C'est par un communiqué datant du 21 mars que le pouvoir annonce la tenue d'élections présidentielles anticipées. Mais le monde s'interroge encore sur le sens à donner à ces élections « anticipées ». La décision a surpris les observateurs. Les présidentielles, censées se dérouler en décembre, auront lieu 3 mois plus tôt, le 7 septembre 2024. Le communiqué du 21 mars n'avance aucune raison justifiant l'avancée des élections. Certains veulent y voir une manœuvre du président, même si Abdelmadjid Tebboune n'a pas encore annoncé s'il briguerait un second mandat. Car la date prévue à la base (en décembre) coïncidait avec la fin de mandat du président Tebboune. Élu le 12 décembre 2019 avec 58 % des voix, le mandat présidentiel court jusqu'à décembre. 

Les Algériens nationaux et expatriés s'interrogent. L'opposition rappelle le droit du peuple à connaître les raisons justifiant ces élections anticipées. Le gouvernement finit par évoquer un retour à la « normalité », après des élections présidentielles de 2019 sous haute tension : abstention record, rejet massif du Hirak (mouvement de contestation populaire), crises extérieures… Les arguments peinent néanmoins à convaincre. 

L'exécutif compte sur « ses ambassadeurs » à l'étranger, les Algériens expatriés. Ils ont jusqu'au 27 juin pour s'inscrire sur les listes électorales. Le président sortant entend rallier à sa cause les Algériens établis à l'étranger. Pour ce faire, plusieurs mesures ont été prises pour faciliter leur retour au pays, comme la possibilité d'entrer en Algérie avec un passeport étranger valide et une carte d'identité/un passeport algérien expiré. Les expatriés suivent d'ores et déjà de près la situation du pays. La 3e puissance économique d'Afrique a bien rebondi à l'après-Covid, avec une croissance de 3,8 % en 2021 et de 4,2 % en 2023. Mais le chômage reste élevé (11,6 %), surtout chez les jeunes (26,9 %).

Iran : le retour des conservateurs

Les présidentielles iraniennes auront lieu le 28 juin. Ces élections anticipées surviennent après la mort du président Ebrahim Raïssi, en mai dernier. 80 candidats ont déposé leur candidature. 6 ont été approuvées par le Conseil des gardiens de la Constitution. Un Conseil dominé par les conservateurs et présidé par le Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei (chef de l'État en fonction depuis 35 ans). Verra-t-on un changement de politique majeur ? La plupart des candidats sont conservateurs. Un seul est réformateur (Massoud Pezeshkian, ancien ministre de la Santé). 4 femmes ont déposé leur candidature, mais aucune n'a été approuvée par le Conseil. D'autres candidatures de modérés ont été invalidées. Le Conseil n'a pas motivé ses choix. Mais d'après les observateurs, nombre d'entre eux sont subjectifs.

Si les sanctions américaines continuent de peser sur l'économie iranienne, le pays a « appris » à composer avec les restrictions. Il parvient à dégager du profit, notamment grâce à la vente de pétrole à la Chine. Le Centre statistique iranien compte 6,9 % d'hommes et 14,8 % de femmes au chômage. Des femmes quasiment absentes du marché du travail. À peine 18,1 % d'entre elles sont en activité, contre 89,2 % d'hommes (chiffres 2022). Le chômage des jeunes dépasse les 20 %. Tout comme les locaux, les Iraniens expatriés ont voulu croire à une transformation profonde du pays, avec la fin des conservateurs et l'arrivée des modérés. Mais le filtre imposé par le Conseil ne laisse que peu de place pour les réformistes. Les combattantes et combattants de la liberté restent sur leurs gardes. La communauté internationale regarde de près ces élections, compte tenu du rôle de l'Iran dans la guerre entre Israël et le Hamas.

Crises politiques, élections anticipées, et exode des expatriés

D'autres élections anticipées ont déjà eu lieu. En mars, la Catalogne, région espagnole, annonce la tenue d'élections régionales anticipées le 12 mai. C'est un nouveau coup dur pour le gouvernement socialiste, déjà contraint d'organiser des élections anticipées en juillet 2023, suite au revers de la gauche. Le Premier ministre Pedro Sánchez sauve sa tête. Les élections régionales catalanes donnent aussi la victoire à un socialiste, l'ancien ministre de la Santé Salvador Illa (28 % des voix). Un résultat historique, car les socialistes passent devant les indépendantistes. Il reste néanmoins à dégager une majorité parlementaire.

Le 9 juin, la Bulgarie a connu ses 6e élections législatives anticipées en 3 ans. Le pays a donc organisé deux élections : les européennes et les législatives. Enlisé dans une crise politique qui s'éternise, le pouvoir n'arrive à convaincre ni les locaux ni les expatriés. La Bulgarie fait face à un exode de sa population qui la fragilise. Les politiques appellent régulièrement au retour des expatriés bulgares. Mais l'enlisement politique et la croissance en trompe-l'œil n'incitent pas les expatriés à revenir au pays. 

Les dernières législatives amènent les conservateurs en tête, avec 23,7 %. Mais seul un tiers des électeurs a fait le déplacement. Une abstention historique, selon les observateurs, qui craignent un 7e vote à l'automne. Le chef des conservateurs, l'ex-Premier ministre Boïko Borissov devra batailler pour former une majorité. Membre de l'UE depuis 2007, la Bulgarie ne fait pas encore partie de l'espace Schengen ni de la zone euro. Le redressement de l'économie (PIB à -4 % en 2020, +1,8 % en 2023) et le faible taux de chômage (4,3 % en 2023) cachent de profondes disparités régionales. La Bulgarie reste le pays le plus pauvre de l'UE.

Faut-il s'attendre à de nouvelles élections anticipées ?

Netanyahu, de plus en plus isolé

Une partie de la population israélienne réclame toujours des élections anticipées. En avril, plus de 100 000 manifestants se rassemblent devant le Parlement israélien. Ils exigent le départ de Benyamin Netanyahu et l'organisation d'élections anticipées. Même sentiment chez les Israéliens expatriés, qui se sont souvent exprimés contre Netanyahu. En mai, Arnon Bar-David, le chef de la Histadrout, la puissante confédération syndicale des travailleurs israéliens, réclame des élections anticipées. De plus en plus isolé, le Premier ministre israélien doit faire face à des défections. Le 9 juin, Benny Gantz (principal opposant au Premier ministre) annonce qu'il quitte le gouvernement d'urgence formé par Netanyahu suite à l'attaque du Hamas. Mais rien n'indique que de nouvelles élections se profilent.

La Nouvelle-Écosse cherche des travailleurs étrangers 

Verra-t-on des élections anticipées en Nouvelle-Ecosse ? Le Canada, dont les récentes mesures pour limiter l'immigration inquiètent les candidats à l'expatriation, peine à relancer son économie. Certains analystes prédisent même une récession cette année. Ils se montrent néanmoins rassurants (la récession sera de courte durée) et rappellent que la pénurie de main-d'œuvre reste une réalité. D'ailleurs, ils prévoient une baisse du PIB réel (à prix constants) de 0,7 % en 2024 si le Canada réduit davantage le nombre d'expatriés (étudiants étrangers et travailleurs temporaires). 

La Nouvelle-Écosse dit justement manquer de « milliers d'ouvriers étrangers spécialisés ». La province parle de 10 000 postes à créer d'ici 2030. Mais c'est en politique que la Nouvelle-Écosse fait parler d'elle. Le Premier ministre Tim Houston, chef du parti progressiste-conservateur, laisse entendre que des élections anticipées pourraient avoir lieu avant la date officielle, le 15 juillet 2025. Il évoque une nécessité d'entendre « la voix » des électeurs, mais sans fournir plus d'indications. Sa prise de parole a suscité l'incompréhension de la classe politique.

Scholz s'accroche

Le Chancelier allemand ne suivra pas le chemin emprunté par son homologue français. Malgré un sérieux revers de son parti aux élections européennes (13,9 % des voix, contre 30 % pour les gagnants de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) alliés à la Bavière), Olaf Scholz tient bon. Le chancelier a très vite fait taire les rumeurs. Les prochaines élections se tiendront comme prévu à l'automne 2025. Il n'y aura pas d'élections anticipées, malgré les appels de certains opposants. Le chancelier allemand admet des résultats catastrophiques pour sa formation. Mais pas question pour lui de prendre le même risque que Macron.

Elections anticipées : quels changements pour les expatriés ?

Tout dépendra des résultats. Les États où l'extrême droite affiche une percée inédite pourraient durcir les lois sur l'immigration. C'est le cas en France, où l'extrême droite pourrait supprimer le droit des expatriés à percevoir des prestations sociales. En revanche, la coalition de gauche, également pressentie pour gouverner, promet déjà une abrogation de la réforme de l'immigration. Il reste néanmoins difficile de prédire les effets des élections anticipées. Les regards se tournent aussi vers les autres élections déjà programmées, notamment la présidentielle américaine. 

Formalités
A propos de

Titulaire d'un Master II en Droit - Sciences politiques ainsi que du diplôme de réussite au Japanese Language Proficiency Test (JLPT) N2, j'ai été chargée de communication. J'ai plus de 10 ans d'expérience en tant que rédactrice web.

Commentaires

  • fermoyle
    fermoyleil y a 5 mois

    Pour ma part, vivant en Irlande, ce qui me gêne le plus c'est la honte d'être Français. A chaque fois que l'on me demande mon origine, je me tape un discours sur cette folie d'extrême droite qui frappe la France. En même temps, je leur explique que pour ne pas connaitre les mêmes problèmes sous peu, ils devraient être plus vigilants à ne pas laisser venir n'importe qui comme en ce moment... Mais le bon coeur des Irlandais risque de leur apporter bien des soucis.

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